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2021 : les Astrales : de la F.F.E. à la déportation et au témoignage

Marceline Loridan-Ivens

 

 

Le lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marceline_Loridan-Ivens

 

Marceline Loridan-Ivens, née Marcelline Rozenberg le 19 mars 1928 à Épinal et morte le 18 septembre 2018 à Paris, est une scénariste, cinéaste, productrice et écrivaine française. Elle est une survivante de la Shoah, et compagne de déportation de Simone Veil.

Elle réalise plusieurs films dans le contexte de la décolonisation, sur l’Algérie et le Vietnam. Elle a également réalisé le long-métrage La petite prairie aux bouleaux, sur son expérience de la déportation, et réalisé avec son époux Joris Ivens une série de films sur la Chine maoïste. Elle apparaît dans le film Chronique d’un été (1961), un des premiers témoignages filmés de la déportation durant la Seconde Guerre mondiale.

Elle a rédigé plusieurs essais autobiographiques dont Et tu n’es pas revenu (Grasset, 2015).

Enfance et déportation

Marcelline Rozenberg est née de parents juifs polonais émigrés en France depuis 1919. Son père devient un petit industriel fabricant de textile et sa mère une commerçante. Au début de la Seconde Guerre mondiale, sa famille s’installe dans le Vaucluse. Elle fait du scoutisme au sein de la Fédération française des Éclaireuses, comme « petite aile » (branche des 8-12 ans). D’origine juive, elle n’est pas croyante.

À 15 ans, elle est arrêtée en tant que juive par la Milice française et la Gestapo en même temps que son père, Shloïme Rozenberg. La famille vit alors au Domaine de Gourdon à Bollène dans le Vaucluse.

Elle est déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi 71 du 13 avril 1944, le même que celui de son père, de Simone Veil, avec laquelle la liera une amitié « indéfectible », de Ginette Kolinka et de Anne-Lise Stern. Elle est ensuite transférée à Bergen-Belsen, et finalement au camp de concentration de Theresienstadt. Elle recouvre la liberté à la libération du camp, le 10 mai 1945 par l’Armée rouge.

Jeunesse engagée à Paris

À son retour en France, elle apprend la sténotypie et la dactylographie. Elle épouse Francis Loridan, jeune ingénieur en travaux publics, engagé sur des chantiers lointains. Ils divorcent des années plus tard mais elle souhaite conserver son nom.

Elle adhère au Parti communiste français en 1955 et le quitte un an plus tard. Elle croise alors des « déviationnistes », comme le philosophe Henri Lefebvre ou le sociologue Edgar Morin, tape des manuscrits pour des intellectuels dont Roland Barthes, travaille au service reprographie d’un institut de sondage, est « porteuse de valises » pour le FLN et fréquente les nuits parisiennes de Saint-Germain-des-Prés. En 1971, elle est signataire du Manifeste des 343 pour la dépénalisation de l’avortement.

Cinéaste controversée

En 1961, Edgar Morin la dirige dans le film Chronique d’un été ; elle y apparaît dans des plans devenus célèbres par un monologue sur sa déportation et le vide laissé par la disparition de son père. Elle entre par le biais de ce film dans le monde du cinéma.

Elle se consacre initialement à des documentaires sur des peuples en lutte. En 1962, elle réalise avec Jean-Pierre Sergent un premier documentaire, Algérie année zéro, sur les premiers pas du pays après l’indépendance. Le film est interdit en France et en Algérie, et reçoit le Grand Prix du festival de Leipzig en 1965.

En 1963, elle rencontre et épouse le réalisateur de documentaires Joris Ivens, de trente ans son aîné. Ils forment ensemble un couple de cinéastes soudés. En fonction des films, elle l’assiste ou coréalise avec lui. Ils réalisent notamment ensemble Le 17e parallèle en 1968, pour lequel ils s’immergent dans les combats de la guerre du Vietnam. Au Vietnam, ils sont reçus par Hô Chi Minh, qui leur donne l’autorisation de se déplacer sur les lignes de front.

De 1972 à 1976, pendant la révolution culturelle déclenchée par Mao Zedong, elle travaille en Chine et réalise avec son époux Joris Ivens la série de douze documentaires Comment Yukong déplaça les montagnes, ayant obtenu un laisser-passer du Premier Ministre Zhou En-lai pour circuler librement. Critiqués par Jiang Qing, épouse de Mao, ils doivent quitter précipitamment la Chine. Les deux réalisateurs résistent aux demandes de coupes formulées par le gouvernement chinois. À sa sortie en France, le film est largement critiqué comme un support de propagande, dans le contexte d’une prise de distance occidentale avec la Chine maoïste.

Elle prend plus tard de la distance avec cette démarche cinématographique, la qualifiant de « simpliste et naïve » et parlant d’« héroïsation de la révolution ».

En 2003, à 75 ans, elle réalise son premier film de fiction, La Petite Prairie aux bouleaux, avec Anouk Aimée, très inspiré de son parcours dans les camps, qui évoque aussi les différentes facettes de sa mémoire en tant que survivante. Le titre est la traduction du nom polonais Brzezinka, germanisé en Birkenau.

Témoin de la Shoah

Elle écrit plusieurs essais autobiographiques, avec l’appui de journalistes, où son expérience de la déportation apparaît perpétuellement en toile de fond. Elle affirme que « on ne vit pas après Auschwitz, on vit avec en permanence (…) La vie quotidienne vous confronte tout le temps au souvenir. Cela pénètre profondément votre vie. (…) Et je me suis souvent comportée après les camps comme si j’y étais encore. ».

L’essai Et tu n’es pas revenu revient sur son expérience de la déportation et sur sa conviction que la France n’a pas regardé en face son rôle dans la Shoah. Il est écrit sous forme de lettre à son père, mort en déportation. L’essai Ma vie balagan est consacré davantage à sa vie au retour des camps, dans le quartier de Saint-Germain-des-Près, puis à ses choix de cinéaste. Dans L’amour après, elle explore la difficulté de reconstruire son rapport à son corps, à l’amour et à la sexualité après la déportation, et revient sur ses relations amoureuses notamment avec Georges Perec.

Jusqu’à la fin de sa vie, elle donne des conférences et témoigne dans les collèges et les lycées sur la Shoah.

Elle estime que l’antisémitisme reste vivace en France, s’alarme de la faiblesse des réactions publiques à ce sujet, et estime que les leçons qui auraient du être tirées de la Shoah ne l’ont pas été en France.

À ses obsèques, le 21 septembre 2018, au cimetière du Montparnasse à Paris, la rabbine Delphine Horvilleur prononce son oraison funèbre.