« Je suis donc Jeanne-Marie MARTIN née DUMESTE dite Jacqueline, (Linette pour les proches). »
Témoignage recueilli entre novembre 2014 et juin 2015 à Grasse par Nelly GIBAJA.
Origines et formation :
Dans le Sud-Ouest, les prénoms utilisés n’étaient pas toujours les prénoms officiels. Ma mère, que tout le monde appelait Valentine, était Marie–Louise à l’Etat civil, et moi je suis Jeanne-Marie. Mon frère René, (deuxième né, on espérait une fille) devait s’appeler Jeannette, … on n’a pas pu !… (sourire)
Mon père était Conseiller municipal à l’État civil. Il était de coutume qu’on mette le prénom de la marraine, (même s’il n’était pas un prénom usuel d’ailleurs !..).
Il m’a inscrite sous Jeanne–Marie.
Ma tante, sa sœur, est arrivée chez nous quelques jours après. Mon frère aîné s’appelait Jacques. Elle lui dit : « Pas vrai que tu serais content que ta petite sœur s’appelle Jacqueline ? Appelez-la Jacqueline !».
Mon père : « Appelez-là comme vous voulez, mais je n’ai jamais fait de rature à l’Etat civil, je ne vais pas commencer, Jeanne-Marie elle est, Jeanne-Marie elle restera ». On m’a appelée « Jacqueline ». Jacqueline est devenu « Linette ».
Je ne sais pas pourquoi, je n’aimais pas le prénom de Ginette, et j’avais peur d’être appelée Ginette au lieu de Linette. J’ai donc utilisé Jacqueline.
Je me rappelle la tête du Principal, pour le BAC, quand il a vu arriver les papiers avec Jeanne-Marie, aucune trace de Jacqueline…
Je suis donc Jeanne-Marie MARTIN née DUMESTE dite Jacqueline, (Linette pour les proches). Mon père était instituteur, et ma mère postière : Marie-Louise BRAUD dite Valentine. Elle a repris le travail de postière quelques temps après ma naissance. C’était la seule femme qui conduisait une des trois voitures du patelin. Elle était repérée comme « la dame automobiliste ». Son origine est de la Côte Atlantique, peut-être plus précisément des Charentes d’où était mon grand-père maternel, on n’a jamais recherché vraiment ces origines.
Je suis née le 10 février 1928, dans un petit patelin qui s’appelle LOUPIAC de la RÉOLE, village très fertile au bord de la Garonne, à ne pas confondre avec LOUPIAC qui est plus bas, sur la rive droite, et qui produit un vin blanc de très bonne réputation.
C’est mon père qui « m’a reçue ». Le téléphone n’était pas répandu, le temps de prévenir la sage-femme et qu’elle arrive… mon père était là, au bon moment. La sage-femme est arrivée une heure ou deux après moi !
J’ai été baptisée à 7 h du matin, sans cloches, parce que j’étais la fille de l’instituteur, laïque, qui ne fréquentait pas suffisamment l’église, sans doute. Toujours est-il, qu’on m’a dit, qu’on n’avait pas sonné les cloches pour mon baptême. Mais je suis allée au catéchisme, j’ai fait la première communion, comme tout le monde. Ma mère m’a expliqué : « Tu comprends, si tu avais voulu te convertir à 15 ou 16 ans, tu aurais été embêtée. On a pensé qu’il valait mieux que tu sois comme tout le monde. » Effectivement, j’ai mordu à l’hameçon, si je puis dire. Je me rappelle : une euphorie pour préparer ma première communion, j’étais en pleine foi. J’allais à la messe, il n’y avait pas besoin de me pousser.
Je n’allais jamais à la messe de minuit parce que ma mère était postière, et décembre et janvier étant l’enfer pour les postières, à ce moment-là, courriers, cadeaux, etc. donc ma mère n’avait pas du tout envie d’aller à la messe de minuit. À mon grand dam, je n’y suis jamais allée. Je m’en suis remise !
– Tu restes croyante ?
– Non, non. J’ai pris assez rapidement des distances avec la religion. Cela a été achevé aux obsèques, mère ou père d’un prof. J’ai vu la mise en scène : la-la-la, debout, assis, la-la-la, à genoux… j’ai traîné un peu dans les églises, comme ça, au temps où j’étais à Paris, y compris me faire trousser les jupes par un mendiant qui était à la porte… à Paris, tu vois… (rire)
– Pendant la guerre, tu étais fille et encore enfant…
Mon père évitait de nous parler de choses vraiment sérieuses. Il était très occupé, mon père ! Il avait été mobilisé en 1916. Il était officier de réserve, donc ancien combattant, moyennant quoi, prisonnier en 40, il a été libéré en 41 comme tous les anciens combattants de 14. C’est là qu’on a quitté le petit patelin de LOUPIAC, rive gauche de la Garonne. Il est devenu Directeur d’École à 12 ou 14 classes, École de garçons, à LA RÉOLE, rive droite, avec un pont suspendu entre les deux. Le pont a été cassé pendant la guerre, je ne sais plus à quel moment. Cela a duré assez longtemps. J’avais toute la ville à traverser à pied pour aller à mon Cours complémentaire alors que mes frères allaient au Collège (équivalent du lycée aujourd’hui), plus près.
Mon père avait sa classe, le jardin, un vrai jardin, un petit secrétariat de mairie, l’équipe de basket… la voiture de la postière à entretenir… Je me demande comment il arrivait à tout faire. Mon frère René a reproché à mon père, les discussions en profondeur qu’ils auraient pu avoir… Au maximum, quelquefois, on faisait un brin de marche et de causette sur le chemin caillouteux, vers chez nous, jusqu’à une borne à 500 m.
Un de mes regrets dans mes souvenirs d’enfants… :
Il y avait de riches propriétaires à côté, avec beaucoup de métairies, de gros moyens, très gentils, qui nous ravitaillaient en miel et en vin doux, à la saison.
Ils avaient deux filles dont une très sportive, très ouverte, qui moisissait dans cette atmosphère de riches propriétaires là… et qui faisait du patin à roulettes (je ne sais où) sur un endroit goudronné où on l’emmenait. J’en rêvais de faire du patin à roulettes, il n’y avait que des cailloux devant notre porte. Je n’ai jamais eu de patins à roulettes !
Je n’ai pas eu une enfance malheureuse, loin de là. C’était une jeunesse à la campagne. On prenait le vélo et on distribuait les convocations du Conseil municipal dans les fermes. On était connus comme le loup blanc.
Pour mes études, j’ai débarqué à Paris, en 47-48, en en sachant moins qu’une gamine de huit ans de maintenant ! Je ne suis pas tombée dans trop de pièges, quand même. Ce qui me manquait le plus c’était de ne voir aucune tête connue. Je sortais vraiment de mon patelin. On allait quelques fois à Bordeaux : deux ou trois sorties dans l’année, et pour la fête des Écoles laïques. Je n’avais pas connu la grande ville de façon profonde… Débarquer à Paris, juste après le Bac… C’était un choc !
– Quelles études as-tu faites ?
– J’aimais beaucoup mon institutrice d’école primaire et j’avais déclaré de bonne heure que je voulais être institutrice. On m’a assez vite orientée dans cette voie.
J’ai eu la chance d’avoir connaissance par la sœur de ma directrice de cours complémentaire, de l’existence de l’E.N.S.E.T. : Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique, équivalent de Fontenay pour les filles, Rue d’Ulm pour les garçons. Elle avait fait cette école.
L’E.N.S.E.T. était une section destinée à l’enseignement des Collèges techniques féminins, dans une optique « femme au foyer ». On avait toutes les matières scientifiques qui correspondaient à ces activités « féminines » : peu de maths, physique, chimie, sciences naturelles, puériculture, hygiène alimentaire (le mot diététique n’était pas utilisé, je crois, à ce moment-là)… on avait des épreuves de cuisine, à l’entrée et à la sortie, bien que censées avoir des monitrices de cuisine quand on était en poste dans les Lycées techniques.
Ensuite, c’est devenu mixte et ils ont changé un peu les matières enseignées.
À Paris, je préparais le concours d’entrée à l’E.N.S.E.T. J’avais demandé une bourse, mais je ne l’ai pas eue. Au deuxième trimestre, je suis revenue dans le Lot et Garonne, à l’École Normale qui avait ouvert un concours exceptionnel, semble-t-il. Je l’ai réussi. J’ai fait mes stages dans tous les degrés de l’enseignement primaire. Mais j’ai découvert l’École maternelle. J’ignorais totalement son existence. Il n’y en avait pas dans notre patelin. Je l’ai découverte avec bonheur en ce qui concerne les enfants : on les voyait s’ouvrir, mieux que dans n’importe quelle autre section. Mais je supportais mal les parents : après la classe, ils étaient là… il fallait tout leur raconter… combien de fois on avait mouché leur enfant… J’avais mon concours E.N.S.E.T. à bûcher, moi ! Ça m’énervait que les parents soient si curieux et prennent mon temps. J’ai réussi mon concours alors que j’étais moins bien préparée que l’année précédente ! La chance est passée cette année-là ! Mes études ont duré deux ans. Je logeais à l’internat du Lycée Montaigne, près du Luxembourg. J’avais un vélo. Je me rappelle du boulevard Raspail en pavés de bois. À sec, c’était formidable, mais mouillé… ça glissait !
J’ai atterri à Carpentras, comme premier poste. Je ne connaissais pas du tout la Provence. Je l’avais à peine traversée.
J’ai été déçue en arrivant, en octobre. On m’avait dit : « Ha ! Tu vas dans le midi, c’est coloré, etc. ». Pas du tout, le jour où je suis arrivée, d’abord, il tombait des cordes ! Puis pour moi, cette campagne était sans couleur : les oliviers étaient gris, la vigne avec quelques cépages à peine colorés par rapport aux feuillus de ma région d’origine !
J’ai été choquée : il y avait des cyprès partout. Chez nous on laisse les cyprès dans les cimetières ! On n’en fiche pas partout comme ici ! Alors ça, ça m’a agressée ! Des arbres de cimetière ! Je suis restée 4 ans à Carpentras.
Les Éclaireurs dans ta vie, ça a commencé quand ?
Les Éclaireuses, ça a commencé pendant la guerre, vers 1941-42, j’ai fait un ou deux camps avant la libération. C’était avec la F.F.E. (Fédération Française des Éclaireuses), avec une cheftaine catholique pratiquante, Irène FAUCHET, cheftaine d’éclaireuses, fille d’ingénieur, totem : Akela. Sa sœur, tout autant catholique pratiquante, était cheftaine de louveteaux. Il y avait un couple de protestants, très sympathiques, (auxquels, dans ma mémoire, je ne vois pas d’enfants ?), M. et Mme MARTINESC, lui était prof de français-latin-grec (mes frères l’ont eu en cours), je pense, qu’elle ne travaillait pas. C’était une section laïque, on disait « Neutre » à l’époque, il y avait des personnes de toutes confessions.
J’ai été Éclaireuse, alors que mes deux frères n’ont pas été Éclaireurs.
Mon frère René était proche de moi : il n’avait que deux ans de plus, on a été ados ensemble. Il se moquait de moi, disant que j’étais « Fefe »…
Quand il est parti à Bordeaux, après le Bac, en 1945, pour son École de Commerce, il s’est fait embringuer dans le scoutisme. Il a été Éclé, puis un ardent ancien Éclé (A.A.E.E.), après s’être moqué de moi quand j’étais jeune !
L’aîné, Jacques : je dis que je ne l’ai pas vraiment connu, ce frère. Il avait 7 ans de plus que moi. À cet âge, c’est énorme comme différence ! Avec la guerre au milieu, lui était en zone occupée, nous en zone « plus ou moins libre »…
De nous deux, c’est lui qui a connu l’Afrique en premier (Kayes au Mali). Il était mobilisé, son contingent devait partir en Indochine, mais il était hospitalisé à Bordeaux, puis démobilisé. Ensuite, je ne sais pas comment, alors qu’il avait été refusé à « Navale » pour daltonisme, on l’a pris dans les chemins de fer en AOF (Afrique Occidentale Française). Il était tout autant daltonien…
Quand il rentrait en congés, en métropole, tous les deux ans, il venait me voir où je me trouvais. À Paris, il m’a invitée au restaurant, pour manger des huîtres sachant que j’adore ça ! Il avait des sous, une bonne solde, tandis que moi avec mon livret de Caisse d’Épargne… j’en usais, comme dit Pagnol, avec parcimonie et à bon escient… À Carpentras, il est venu me voir en voiture avec mon père. Puis il a vécu sa vie, avec Alice (… et) leurs trois filles (…).
Mes frères sont morts tous les deux maintenant. Toutes les références de l’enfance, ça manque, il n’y en a plus…
En prépa du concours ENSET, il y avait une troupe féminine, où j’ai eu quelques activités d’éclaireuse, Lycée Fénelon. Quelques sorties de week-end de temps en temps : la mer de sable, et vers le sud. Je suis passée à la « Mouff », pour quelques activités ponctuelles, conférences ou projections, mais peu, j’avais du boulot, mes activités annexes étaient peu nombreuses.
Pendant que j’étais à Carpentras, j’ai fait des activités avec les Éclaireurs de France, les Ajistes, les Jeunesses Communistes, et autres organisations… Il y avait un point de rassemblement de jeunes à Avignon, pas loin du Palais des Papes, où j’allais assez souvent. C’est là que j’ai connu Alice qui est devenue ma belle-sœur. Elle n’était pas éclaireuse, mais était dans ce groupe de jeunes.
On campait de temps en temps aux WE, avec du matériel de fortune, des couvertures lourdes : un camp d’été dans le Lot et Garonne, uniquement féminin.
Le voyage à Copenhague vers 1951-52.
J’ai d’abord fait connaissance avec Raymond FRANJOU (Aimable Castor). Lors d’un camp Éclaireur en Languedoc, j’ai fait connaissance des premiers africains, certains retrouvés au Sénégal ensuite. C’était un camp vélo vers Narbonne, il y avait aussi deux voitures.
Ensuite FRANJOU a organisé un Paris-Copenhague. Il avait dit « engins à moteur ». Je suis partie avec ma mobylette. Les autres étaient en moto. Cinq motos, c’étaient des gars. J’étais la seule fille et la seule mobylette. J’ai eu quand même à remorquer une moto en panne… entre Hollande et Allemagne ! Je crois que c’est à Hambourg qu’on a fait réparer.
En Hollande, il fallait que je roule sur les pistes à vélo.
Et retour par l’Angleterre, s’il vous plaît ! On a embarqué au Nord et on est sorti du pays au Sud vers la France. On n’avait plus de sous, on a mis la plus lente en avant et je suis partie toute seule car ils attendaient le mandat télégraphique pour acheter de l’essence avant de me rejoindre. Il y a eu des moments où c’était long toute seule sur la route. Le premier rond-point, je l’ai pris dans le mauvais sens ! J’ai montré mon derrière, j’avais plaque avec le F de France.
Bernard DUMONT a fait son premier appel en 1953, il était à Paris et moi à Carpentras. Je me suis inscrite pour ce voyage par bateau. On s’est connu à Marseille, au départ du bateau. C’était du cabotage de port en port (Gibraltar, Rabat, peut-être Casablanca, Agadir il me semble, plusieurs escales en tout cas jusqu’à Dakar). Comme Gaulois, il n’y avait que Bernard et moi ! avec des étudiants qui rentraient au pays. Les conversations avec les étudiants, à bord du bateau, d’escale en escale, nous faisaient découvrir une part de l’Afrique.
Bernard et moi avons campé à une École vers M’bour, sur ce qu’on appelle « la petite côte ». Il y avait un instituteur, très sympa, sénégalais musulman (son nom ?…). Avec les Dakarois, qui découvraient leur arrière-pays autant que nous, on est parti par la route, avec des cars. On a un peu circulé en brousse.
Bernard est parti au Service Militaire en me disant « à toi de jouer maintenant ». Alors de 54 à 56, je me suis occupée du recrutement Caravanes. Quelques éclaireurs, et nous avons ouvert aux Ajistes, à La Ligue de l’Enseignement… cela intéressait beaucoup de jeunes qui profitaient du voyage pour la découverte (pour certains c’était tourisme) et les échanges avec les africains étudiants en France, sur leur vie en France, et sur les questions africaines, les problèmes entre ethnies. Lors d’une visite au zoo de Dakar, ils se chahutaient sur l’appartenance des singes à l’une ou l’autre des ethnies qu’ils représentaient.
Ensuite j’ai décidé d’aller travailler là-bas.
J’ai renoué, je ne sais plus à quelle occasion, avec un camarade, Jean-Paul SANDOZ, qui dirigeait la chorale de l’ENSET. Il avait été en poste à Bamako.
Il m’a expliqué ses activités de formation professionnelle d’apprentis, dans différents domaines, et de développement d’artisanat… Il avait organisé un village d’artisanats variés qui commercialisaient les productions. Des pêcheurs également, je crois. Son expérience m’a encouragée à aller vivre là-bas.
(Il est mort d’un cancer cela fait un bon bout de temps. J’ai toujours contact avec sa femme et sa fille.)
En 1956, j’ai demandé un poste au Sénégal.
En 1957, j’étais installée. J’ai travaillé à l’École des Travaux publics de Dakar. C’était du temps partiel, j’enseignais la trigonométrie. J’en ai avalé comme jamais ! Le Directeur s’appelait M. Paradis. J’avais aussi quelques heures de cours de marchandise à l’École de commerce. J’ai dû faire des recherches pour tenir ce cours : avec les élèves nous avons choisi le riz. J’ai appris beaucoup de choses sur le riz, mais pas facile d’avoir de la documentation au Sénégal à ce moment-là.
J’avais découvert les Éclaireurs Sénégalais, laïques, musulmans pour la plupart. Je les ai trouvés beaucoup plus efficaces, en matière d’éducation populaire, que les Éclaireurs en France que je trouve trop élitistes, encore aujourd’hui…
Sur place, il y avait un gars, qui malheureusement est mort de maladie, l’année où je suis arrivée. C’était un instituteur : Ousmane Thiané Sar. L’École Normale avait été créée par les Français. Les Sénégalais qui avaient été formés là, au scoutisme laïque, une fois nommés dans un village, animaient tout le village à travers le mouvement éclaireur : économiser le bois qui servait à la cuisine, replanter pour renouveler le bois, alphabétisation au besoin… un gars avait son clan à l’École normale, et ensuite quand il avait son poste, il faisait son travail en éclaireur. Le scoutisme laïque était réellement populaire et non élitiste. Il y avait des filles. Mais y avait-il des filles musulmanes ?…
Sur le quai, tu reconnaissais les Sénégalais et les Gambiens, à leur style, en fonction des influences française ou anglaise. Même les boys-scouts gambiens avec leurs chaussettes bien tirées… les colons avaient imprégné…
Je me tenais au courant des activités des Éclaireurs. Il y en avait au lycée. Ils avaient une maison qui leur appartenait à RUFISQUE à une vingtaine de kilomètres de Dakar. Je suivais quelques réunions ou rassemblements un peu plus importants. Je ne faisais plus de terrain.
Malick est né en 1950 je crois. J’ai d’abord connu son frère qui était beaucoup plus âgé que lui. Il était responsable de louveteaux. Mes enfants ont fait du scoutisme sénégalais, avec Malick, au pied du baobab (il a fini par tomber ce baobab). Malick, avec son poste à l’UNESCO, est devenu une personnalité,
une sorte de diplomate.
Alors que je suis partie toute seule au Sénégal, j’en suis revenue avec trois hommes ! (rire) Mon mari et mes deux garçons.
Pierre MARTIN a fait une escale à Dakar. Il m’avait sur ses tablettes comme personne de contact. En 1958-59, il était en mission d’éducation populaire pour voir les actions possibles avec les mouvements laïques après les indépendances.
Mon Pierre s’est trouvé au moment des essais nucléaires au Sahara. Il a laissé sa mission pour se joindre aux protestataires qui étaient là-bas.
Il est repassé au retour, et on s’est retrouvés. Il avait eu une compagne, de qui il avait eu une fille. Mais comme il était toujours parti, elle l’a laissé. J’ai des contacts avec sa fille. Moins maintenant.
On s’est marié à Dakar, avec une haie d’Éclaireurs à la sortie. Au repas un méchoui, et un couscous car Pierre était végétarien. C’était un citoyen du monde. (Note : voir l’éloge que Malick M’Baye a fait sur le site Citoyen du Monde).
Alassane est mon fils aîné, né en 1963, et Abdou en 1964. Ils se suivaient. J’ai été aidée, heureusement. Le choix du prénom a été une difficulté, par rapport à la liberté de l’enfant, je me suis dit : « Il va être affublé d’un prénom qui peut-être ne lui plaira pas. » Mais ça a été difficile aussi dans le choix des prénoms sénégalais : je ne voulais pas avoir l’air de donner une préférence à tel ou tel ami ayant le même prénom. Ils ont aussi des prénoms de tradition française, au cas où ils veuillent inverser, mais ils ne les utilisent pas. Comme moi, je ne suis pas Jacqueline…
Scoutisme, colonisation, indépendance ?
L’indépendance ne passionnait pas les foules. Au moment de la proclamation, il y avait plus de « toubab » comme on disait, des français, que des sénégalais.
Les étudiants ont bougé en 1968, à travers la population estudiantine, comme chez nous.
Je me suis sentie de trop au Sénégal. Il y avait suffisamment de Sénégalais en capacité de faire le métier de professeur de maths.
Mes enfants ne connaissaient la France que pendant les vacances, il fallait qu’ils la connaissent un peu autrement. L’avenir de leurs études se posait aussi à terme.
Vers 1974. J’ai demandé la Tunisie, mais il y avait beaucoup de demandes, j’ai eu l’Algérie. C’était une transition climatique et de connaissance de l’étranger avant la rentrée en France. Je suis restée 4 ans à Alger, dans un Lycée technique algérien, Rue du Champ de manœuvre, sorte de Centre d’apprentissage. Pierre a eu un poste. On habitait en dehors d’Alger. Mes enfants allaient à l’École française d’Alger. On avait des va-et-vient en voiture avec des embouteillages. On ne trouvait pas tout ce qu’on voulait dans le ravitaillement, mais on faisait avec ce qu’il y avait.
En France, vers 1980, j’avais demandé tous les lycées techniques (c’était un choix professionnel) j’ai eu Grasse tout de suite.
J’ai connu Pierre MALET, Responsable du Groupe E.E.D.F. de Grasse, pendant que j’étais prise par d’autres activités notamment le M.R.A.P (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples)…
Nous sommes retournés au Sénégal une fois en 1988.