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2022.08 : Notre participation à l’Université d’été à Bécours : 02. Historique

 

 

 

La construction quelquefois difficile d’une relation «internationale» (Yvon Bastide)

 

Une idée anglo-saxonne, un contexte national :

 

Dès le début, on constate des divergences sur la mise en œuvre de cette idée en France… avec des approches différentes suivant les associations :

–   les Éclaireurs  Français de Pierre de Coubertin n’adhéreront pas au groupement international proposé au nom de la liberté de choix : «Nous recherchons tout ce qu’il peut y avoir de bon dans les autres pays en matière pédagogique et, pour le bien de nos garçons, nous l’importons en France après l’avoir adapté à notre mentalité. Ses fenêtres sont largement ouvertes, mais nous ne consentons pas à ce que des étrangers se mêlent de nos affaires, surtout en ce qui concerne l’éducation de notre jeunesse».

–   Les Éclaireurs de France accepteront le choix anglo-saxon mais annonceront également leur volonté d’adaptation, essentiellement en ce qui concerne l’ouverture à tous, sans référence religieuse obligatoire… la future «laïcité» du Mouvement.

–   La Fédération Française des Éclaireuses se fixera des objectifs et, «en premier lieu, servir la France» pour «devenir un lien entre les femmes et les fillettes françaises» ; elle aura, comme les E.D.F., une section «neutre» sans référence religieuse obligatoire. Elle suivra également la voie tracée par le scoutisme anglo-saxon et participera à des manifestations internationales.

 

Un conflit de conception lié aux choix «laïcité» et «coéducation» :

 

À plusieurs reprises, les Éclaireurs de France, puis les Éclaireuses & Éclaireurs de France nés de la rencontre entre ces trois associations, rencontreront des difficultés au plan international, certaines associations refusant le principe d’ouverture à tous traduit, pour les jeunes, par la «promesse alternative» – possibilité de faire la promesse scoute avec ou sans référence à Dieu, annoncée par le Livre des Éclaireurs dès janvier 1912 : «Le serment des boys-scouts anglais comporte l’engagement de fidélité à Dieu. Il est évident que cet engagement peut figurer dans la formule du serment prêté par les jeunes gens qui adhèrent à une foi religieuse. Les Éclaireurs de France, mouvement respectueux de toutes les forces morales, n’entendent édicter aucun prohibition». 

On peut noter que le même choix est fait, dès les années 20, par les sections «laïques» de la F.F.E.

Cette orientation est d’ailleurs acceptée par le fondateur du scoutisme… mais elle n’est pas du goût de certaines associations (essentiellement les B.S.A., Boys-Scouts of America) qui la remettent en question en 1949 au cours d’une conférence mondiale (avec 72 voix pour et 72 voix contre, la voix du président évitant seule le conflit et le retrait des E.D.F. de l’organisme mondial).

Autre épisode dans les années 50 au sujet de la coéducation, le Mouvement mondial masculin tenant à différencier le scoutisme masculin et le scoutisme féminin :

«… Enfin, et quant au fond du problème, il faut poser que le Scoutisme s’adresse aux garçons et le Guidisme aux filles…

C’est un non-sens de prétendre vouloir appliquer aux filles les méthodes de formation virile voulues par notre Fondateur pour les garçons…»

Nouvelle alerte au début des années 60, où la motion «l’engagement envers Dieu ou la religion est la clé de voute et la base philosophique du Mouvement Scout» est retirée de l’ordre du jour de la conférence mondiale à la demande des E.D.F.

 

Des activités «internationales» dans le cadre d’une organisation «mondiale» :

 

Une fois les remous calmés, les Éclaireurs de France et la Fédération Française des Éclaireuses participeront aux rencontres mondiales organisées par les mouvements scouts masculin et féminin. Ces participations ne sont pas spécifiques du scoutisme laïque mais elles assurent la présence de ses membres.

Deux exemples :

–   la rencontre «Pax Ting» à Godollo (Hongrie) en 1939, racontée par Suzanne Châtelet qui y portait le drapeau français… quelques jours avant la déclaration de guerre ;

–   le jamboree de Moisson en 1947, «Jamboree de la Paix» organisé en France sous la responsabilité partagée par les associations du Scoutisme Français. 

 

Avec quelques mises en cause :

 

Peu de temps après le Jamboree de Moisson, une réflexion apparaît chez les E.D.F. sur les modalités de ce type de rencontre, jugées plus artificielles qu’efficaces. En particulier, le mode de sélection des participants, créant une concurrence au niveau des unités et conduisant à une participation limitée pour chacune, est critiqué ; l’intérêt d’activités réellement «collectives», impliquant l’unité – troupe pour les éclaireurs, clan pour les routiers – commence à apparaître et conduira, dans les années suivantes, à l’émergence de projets de véritables rencontres, locales ou autres, qui prendront diverses formes, liées ou non à l’appartenance de l’association à une structure nationale. 

Par la suite, l’adoption de la coéducation des filles et des garçons par les Éclaireurs de France conduira à un autre type de contestation et, pendant quelques années, au refus par l’association de participer aux Jamborees limités aux garçons.   

      

Des relations internationales structurées et plus ou moins officielles :

 

L’appartenance des associations françaises (à l’exception des Éclaireurs Français) aux organisations internationales regroupant les associations nationales est, bien évidemment, une dominante. Mais le besoin apparaîtra d’autres rattachements,  en particulier dans le but de créer un lien entre toutes les associations «pluralistes» ou «laïques» au plan international :

–   les relations avec les colonies françaises «outremer» :

Avec une exception notoire, celle de l’Indochine, ou André Lefèvre Veux Castor) conclut dès 1939 à la création d’une association indépendante, les Éclaireurs de France créent en A.O.F. (Afrique Occidentale Française), en A.E.F. (Afrique Équatoriale Française), en A.F.N. (Afrique Française du Nord), à Madagascar, aux Antilles et en Guyane, des unités donnant toute leur place à des jeunes responsables d’origine locale à côté de responsables d’origine métropolitaine, souvent enseignants ou fonctionnaires détachés. Ces implantations conduiront à la création d’associations nationales qui, longtemps, resteront en relation avec le Mouvement (EROM, COFRASL,…)

–   les relations avec les pays du «rideau de fer» : 

Dans une conférence à l’AAEE en 1998, Jean Estève, ancien Commissaire général, raconte : «La guerre froide était très chaude, si je puis m’exprimer ainsi. (…) Et notre souci était de garder quelques contacts au-delà de ce que Churchill avait appelé le rideau de fer »… : Hongrie, Tchécoslovaquie, en particulier…

Il y a là un rôle du scoutisme E.D.F. qui nous a mis parfois dans une situation très difficile en face des Britanniques liés aux U.S.A. et qui trouvaient – à la limite de la trahison dans cette situation de guerre froide – que nous ayons gardé quelques contacts avec nos frères scouts – mais c’était toujours nos frères !». Ces relations ont été difficiles pendant une longue période mais ont pu se concrétiser par la suite.

 

Le décor est planté : le Mouvement sera présent à l’international sous plusieurs formes :

–   en tout premier lieu, par son appartenance, une fois les remous apaisés, aux deux organisations mondiales de scoutisme, l’O.M.M.S. (Organisation Mondiale du Mouvement Scout)  et A.M.G.E. (Association mondiale des Guides et Éclaireuses)

–   ensuite, par son implication dans les pays colonisés, avant et après leur accession à l’indépendance,

–   avant et après la fin de la «guerre froide», par des relations et des contacts avec les pays de l’Est de l’Europe,

–   et, en complément des rencontres internationales organisées formellement, un certain nombre de projets menés par des groupes locaux, des régions ou des services…

Cette présence à l’international se traduit donc de deux façons :

–   des appartenances à des structures, mondiales ou thématiques,         

–   des actions «de terrain», liées ou non à ces appartenances.

Elle est remarquablement résumée par le texte rédigé par Dominique François, ancien commissaire international des E.D.F. et des E.E.D.F. à l’occasion du centenaire du Mouvement en 2011 ; nous le reprenons ci-après.