Un scoutisme laïque… : L’Union Internationale des associations de scoutisme Pluralistes et Laïques (Alain Bordessoulles)
Dans les archives du Mouvement, l’Union apparaît, avec cette dénomination Union Internationale des associations Scoutes-Guides Pluralistes/Laïques) et ce sigle (UIPL), à partir de 1994. Mais cette création « officielle » a été précédée par un ensemble d’évènements. Ces documents montrent que depuis de nombreuses années, une réflexion était menée par un certain nombre d’associations sur une définition d’un scoutisme « pluraliste » ou « laïque ».
Mais avant de parler de l’UIPL, il nous faut faire un petit retour sur notre histoire dans le scoutisme mondial.
Scoutisme et laïcité
Dans une note, rédigée en 1990 est présentée par les E.E.D.F. sous le titre « Scoutisme et laïcité », un texte très complet aborde, tout au long de 27 pages, l’évolution de la notion du « devoir envers Dieu ».
1924 : lors de la 4ème Conférence Internationale est adopté par 29 pays dont la France un texte du congrès sur les principes du scoutisme : « Le Mouvement des Éclaireurs ne veut pas affaiblir, mais au contraire veut renforcer les croyances ».
Il faut rappeler que dès sa création, les Éclaireurs de France, association fondatrice, acquiert la possibilité d’une promesse qui ne fasse pas systématiquement référence à Dieu. C’est ce qu’on appelle la promesse alternative.
Lors de la Conférence de Cambridge en 1957, le congrès met comme premier principe fondamental du scoutisme : »le devoir envers dieu ».
Ce principe d’ailleurs est rappelé en 1961 mais avec une précision quant à la promesse : « le Devoir envers Dieu ou la religion est fondamental dans la philosophie et les intentions du Mouvement. Pour les associations scoutes qui le désirent, la Promesse doit pouvoir être formulée de telle sorte qu’elle tienne compte du fait que parmi ses membres existent des croyants en un Dieu personnel et aussi d’autres qui reconnaissent une réalité spirituelle ».
1973 Un rappel des principes du mouvement scout avec « l’acceptation et l’adhésion à l’esprit de la Promesse et de la Loi scoute »
1975 « La conférence mondiale demande au Comité mondial de constituer un groupe de travail aussi représentatif que possible des diverses sociétés et cultures existant parmi les membres de l’Organisation mondiale » afin de faire des propositions relatives entre autres, au devoir envers dieu.
1977 Le devoir envers Dieu est redéfini ainsi : « l’adhésion a des principes spirituels, la fidélité à la religion qui les exprime et l’acceptation des devoirs qui en découlent » .
Dans ce document toujours, Les EEDF soulignent :
– l’anomalie qu’il y a entre cette affirmation et les confirmations successives sur « le devoir envers dieu », et la reconnaissance, dès 1918, de l’association des E.D.F. qui, dès sa création fin 1911, n’avaient pas conservé l’obligation de l’allusion à Dieu dans la formulation de la promesse,
– après de longs débats, l’impossibilité, pour les E.D.F. et les associations qui avaient fait le même choix, d’obtenir de l’O.M.M.S. en 1977 une modification du texte de base « l’adhésion à des principes spirituels, la fidélité à la religion qui les exprime » dans le sens » l’adhésion à des principes spirituels ou religieux »
Pour les EEDF nait la nécessité de rencontres sur ce sujet, comme celle réunie en mars à Bruxelles par quatre associations « fondatrices » (Escoltes Catalans d’Espagne, CNGEEI (cuerpo nacional de scouts y guías) d’Italie, FNEL du Luxembourg, FEE de Belgique (SGP aujourd’hui) et les EEDF).
Rencontres informelles
Depuis quelques années déjà, des rencontres informelles existaient entre les associations laïques et pluralistes. A partir de 1980, l’organisation des « Journées Pluralistes » ou laïques par les différentes associations a permis une meilleure connaissance réciproque, et la constitution peu à peu, d’une communauté de vues. Est né la « Coordination des mouvements laïques et pluralistes d’Europe » Notons :
1981 – Rhismes en Belgique ou la thématique de ces journées est axée sur « la formation de l’esprit et les implications de celui-ci dans les diverses activités des associations laïques ou pluralistes ».
1982 – San Fedele en Italie : Des journées ou l’on travaille sur « la notion d’engagement, qu’il soit personnel ou du mouvement ».
1983 – Barcelone en Espagne avec deux groupes distincts, un groupe anglophone et un francophone qui vont plancher sur le sujet « des unités protestantes engagées et la compatibilité avec une association pluraliste ». À la suite des réactions des divers participants à la situation du spirituel dans les diverses associations pluralistes, se dessine une proposition de grande activité commune sous la forme d’un premier camp international.
Il ressort des rencontres des années 80 un principe de base :
« à moyen terme, le regroupement vise à réaffirmer au sein des institutions mondiales et européennes sa sensibilité pluraliste et laïque qui fut, dès les origines, présente dans la construction du mouvement ».
Cette synthèse alimentera le travail lors des journées Européennes qui suivront et on voit aussi apparaitre la volonté de transformer ce regroupement en un mouvement.
1989 – à Paris
Lors des journées Européennes des associations pluralistes et laïques du scoutisme et du guidisme à Paris est présenté un texte commun qui tente de définir le pluralisme.
« Un choix de valeurs, une approche originale, une référence, l’homme, être soi-même ».
On retrouve dans le document « Scoutisme et laïcité » le besoin d’une évolution de la réflexion sur les textes de base pour permettre une plus grande ouverture du scoutisme, la reconnaissance des pays de l’Est optant pour une promesse alternative et enfin la notion de religion et de dieu qui pour les pays d’Extrême-Orient « revêt une réalité fort différente ».
Il est à noter dans ces pages que coté OMMS on ne se soit pas chaud pour aborder le sujet qui exprime « une extrême réticence à rouvrir ce dossier », il serait « explosif » selon elle.
On note aussi « que I’ AMGE (Association du Mouvement Guides et Eclaireuses) a une interprétation plus souple des textes et à tenu à l’exprimer lors de la discussion à Genève les 3 et 4 février 90 pour l’adhésion des mouvements des Pays de l’Est ».
A la lecture de ces pages, on sent qu’Il y a la volonté de porter une parole unie et de préparer un projet de résolution pour faire entendre la voix des associations pluralistes et laïques au sujet du devoir envers Dieu.
Pour le premier souhait, il va se concrétiser dès l’année suivante, cependant, le fait qu’encore aujourd’hui le texte de 77 soit en vigueur tendrait à confirmer que ce ne sont resté que des vœux…(la dernière réécriture datant de 2007).
1991 – Un chargé de mission
La « Coordination des pluralistes » se donne des moyens. En septembre 91, les EEDF nomme le premier chargé de mission (François Daubin).
Sa mission : « Mettre en place une coordination des mouvements pluralistes et laïques au sein du scoutisme, permettant à ces mouvements de réfléchir ensemble au problème de la spiritualité laïque et pluraliste, de l’environnement, du nationalisme et des minorités, du développement, et de proposer des programmes d’actions communs ».
« Cette coordination doit rassembler le plus largement possible les mouvements du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest ».
Cet élargissement doit faire passer la coordination d’européenne à mondiale.
1991 – Eurocamp 91
Le rapport sur les « journées de travail » de Gènes en 1991 de la Coordination pluraliste fait état outre de la situation financière avec un rappel sur les cotisation, du bilan mitigé de l’Eurocamp de 91.
Des jeunes satisfaits, un encadrement déçu.
En guise de conclusion on peut lire : « Déception des E.C. et du C.N.G.E.l. par rapport à l’engagement collectif de ce que devait être le camp ». « Ne plus passer un an, un an et demi à préparer un Eurocamp qui ne donne pas satisfaction parce que tous trop éloignés du lieu de déroulement. », « Ne plus improviser ».
1991 – Gènes en Italie
Octobre 91 aux Rencontres de Gène : dans son intervention, François Daubin pour la coordination dit en introduction : « Les Anglo-saxons sont organisés, Les mouvements catholiques sont organisés, dans l’Europe de demain que deviendront les Pluralistes non organisés ».
Il souligne : que « Le scoutisme renaît à l’Est, mais que la religion reprend officiellement de l’importance. Il ne faudrait pas que seuls les mouvements catholiques ressuscitent. Les mouvements pluralistes renaissent avec le soutien du Bureau Mondial ». Il rappelle aussi qu’il y a d’autres pluralistes à l’Ouest ».
Il conclut par « Nous devons penser à l’ avenir de notre pluralisme, nous devons le contrôler, lui donner une dimension de respectabilité européenne, une identité européenne ».
Il propose ensuite le projet de texte « Belge dit MARTYR » (pas encore Charte) et demande que « Chaque Association doive débattre du texte de référence proposé ».
1992 – Venise en Italie
En mars 92 à Venise, 30 participants appartenant à 25 Associations de 17 pays se sont réunis au centre Casa Cardina Piazza à Venise, en Italie, pour parler de la dimension spirituelle.
Après deux jours d’échanges, on peut lire dans la lettre des participants : « Nous pensons que le séminaire a soulevé plus de questions que de réponses et nous pensons que certaines de ces questions devraient être examinées plus en détail par les Associations des guides et des éclaireurs d’Europe ».
Il en ressort tout de même 5 propositions telles que : « examiner plus en détail par les Association des guides et des éclaireurs d’Europe La « nouvelle » Europe, La « valeur personnelle » des jeunes, les Communautés à croyances multiples, le Symbolisme et la Dimension spirituelle.
1992 – Bruxelles en Belgique
Au-delà des discussions autour des candidatures pour l’OMMS et l’AMGE et l’avis favorable sur leur rapprochement, on parle de l’avenir du pluralisme en Europe.
Les associations présentes assurent avoir avancé sur : la charte, les objectifs à court et long terme, la mise en place de la coordination avec les pays fondateurs (une coordination adaptée aux objectifs) et avoir deux ou trois propositions concrètes pour répondre à la question qui s’était posée à Genève, du coût d’un poste de permanent.
La coordination se définit, confirme la réalisation de la charte, présente un budget. Sont confirmés : une structure, une organisation et des moyens. Le poste de chargé de mission est maintenu, mais doit trouver d’autres partenaires financiers.
1994 – AG de Munsbach au Luxembourg
La coordination des associations laïques et pluralistes d’Europe devient l’UIPL. L’UIPL en défini les objectifs et le but du mouvement.
La Charte Fondatrice rappelle son appartenance au scoutisme mondial ainsi qu’aux buts, principes et méthodes du scoutisme et précise par la « Dimension spirituelle » sa spécificité. La Charte explique ainsi la création de l’Union.
L’Union Internationale des associations scouts-guides pluralistes/laïque (UIPL en français, UIPS en anglais) est née. Son siège sera à Bruxelles. En préambule des statuts la Charte en définit le but et objectifs. Ces documents sont paraphés par EC (Catalans), EEDF (France), FNEL (Luxembourg), FOS (Belgique néerlandaise) et SGP (Belgique). La présidente en sera Rosa Maria Pujol I Galobart (Trésorière de la COFRASL) Le vice-président est Roland Daval (DG COFRASL).
1994 – Refus de l’OMMS
Suite à la demande faite de l’UIPL d’avoir un statut consultatif, un courrier de Jacques Morillon (SG OMMS) explique le refus de l’accorder (organisation non scoute), mais souligne qu' »En faisant cette constatation, le Comité Mondial a fortement souligné qu’elle ne constituait en aucun cas une mise en cause de l’UIPL elle-même ni de sa valeur en tant que réseau au sein de l’OMMS » et que « L’UIPL, de même que d’autres groupements de même nature, est susceptible d’apporter une contribution importante et de ce fait bénéficiera du soutien actif de l’OMMS ».
1994 à 2001 – Un bilan des actions
Pendant ces 8 ans auront lieu régulièrement en alternances des Euro camps et des séminaires.
Inter camps :
1994 – à Fitor en Catalogne
1997 – à Friuli en Italie
2001 – au Luxembourg
Séminaires « Dimension spirituelle » :
1996 – Noisy-le-Grand en France (février)
1996 – à Laarne en Belgique (décembre)
1997 – à Como en Italie (septembre)
1998 – Bois-le-Roi en France (juin)
2001 – à Florence en Italie (avril)
2003 – La fin ?
Un courrier de la FNEL (Luxembourg), signifie son retrait de l’UIPL à la suite du blocage par une association (non citée) de la signature de la Charte.
Dans ce courrier, la FNEL exprime que :
– « Ne pas se donner de texte fondamental sous prétexte que d’autres associations pourraient éventuellement trouver à y redire est absurde ».
« Toutes les tergiversations proposées ne sont que contre-productives et sont le meilleur moyen pour que cette Union ne soit jamais une réalité ».
En conclusion
– « Depuis les tout débuts de l’ancienne UIPL, la FNEL a très activement participé aux travaux de conception, de mise en route et aux essais de renouvellement ». … »Et bien, là les limites sont dépassées, cette dernière démarche n’ayant abouti à rien ».
Une plaquette non datée fait état de 6 associations africaines membres en plus des 6 européennes fondatrices. Ce document est en deux langues.
La Charte sur ce document s’est enrichie d’un paragraphe sur la coéducation, un sur les particularismes et un autre sur la nécessité du développement. On y trouve aussi les raisons de la création de l’union.
En résumé :
En 1977, la 26ème conférence mondiale du scoutisme OMMS à Montréal revient sur les amendements constitutionnels (but, principe et méthode) et tout particulièrement sur le devoir envers dieu, sous-entendu, l’élément spirituel du mouvement.
A partir de 1980, l’organisation des « Journées Pluralistes » ou laïques par les différentes associations a permis une meilleure connaissance réciproque et la constitution, peu à peu, d’une communauté de vues. Le principe de ces rencontres est le suivant : « à moyen terme, le regroupement vise a réaffirmer au sein des institutions mondiales et européennes sa sensibilité pluraliste et laïque qui fut, dès les origines, présente dans la construction du mouvement ».
Il faut attendre 1994 pour que L’AG constitutive adopte la charte et les statuts de l’union.
S’en suivront plusieurs séminaires sur la spiritualité : Noisy et Bois-le-Roi en France, Laarne en Belgique, Friuli et Como en Italie, Barcelone en Espagne…
En 2001, un « Inter-camp’ est organisé à l’initiative de la FNEL (Luxembourg), mais en 2003, une lettre des responsables nationaux de l’association luxembourgeoise fait état d’un blocage « inadmissible » par une association et annonce son retrait de l’UIPL pour la durée d’un an.
Après 2003, la trace de l’UIPL se perd, laissant sans doute la place à Spiriteco, mais ça, c’est une autre histoire…
Un nouveau souffle ?
On retrouve dans la présentation de Spiriteco les inspirations de l’UIPL dont nous n’avons plus de trace écrite depuis 2003.
« Le développement spirituel a toujours fait partie du Guidisme et du Scoutisme, mais l’évolution de nos sociétés a conduit à de nombreuses manières de le mettre en action (ou non). À la suite de changements, plusieurs associations européennes se sont réunies en 2010 pour discuter de la manière dont le développement spirituel est envisagé ».
« Nous nous sommes rapidement mis d’accord sur notre définition commune du développement spirituel, qui inclut à la fois des points de vue confessionnels et non confessionnels ».
« Pour cette raison, nous avons créé un groupe de réseautage sous le label « Spiriteco », qui signifie « spiritualité » en espéranto. Un symbole de notre objectif – la spiritualité pour tous. Ces dernières années, notre réseau s’est élargi pour inclure de nouvelles associations et nous continuons à nous développer »
La plaquette de présentation de l’U.I.P.L. :