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2023.03 : une rencontre à Paris pour un rappel historique

pour la commémoration d’un groupe intéressant…

 

L’origine du projet :

 

En février 2022, Daniel Cadudal, ancien du groupe Moulin Vert, membre de l’A.H.S.L., nous a proposé d’organiser, au titre de l’A.H.S.L., cette manifestation de souvenir d’un groupe ancien dont l’histoire est assez particulière. Nous avons souhaité y associer officiellement les E.E.D.F. qui ont répondu positivement, d’où la double invitation lancée en fin d’année :

 

Moulin Vert 1

 

Moulin Vert 2

 

Quelques photos souvenirs :

 

La découverte de la plaque par Madame Carine Petit, maire du 14ème arrondissement de Paris, avec Daniel Cadudal, « Furet » :

 

Inauguration 0

Inauguration 1jpg

Inauguration 3

 

La plaque retrouvée, à la mémoire des combattants de la première guerre mondiale :

Plaque

 

Et aussi la plaque qui rappelle la création du groupe par Camille Risch :

 

Plaque Création

 

 

 

 

L’allocution d’Yvon Bastide, président de l’A.H.S.L. :

Lue par Jean-François Lévy, membre du C.A. de l’association :

 

En 1961, une plaque rappelant la création en 1911 du groupe « Éclaireurs de France » du Moulin Vert a été inaugurée par un ministre de l’époque. Il nous semble intéressant de revenir sur l’histoire de cette unité, unes des plus anciennes de notre Mouvement et, en particulier, sur son origine. La plaque réinstallée aujourd’hui atteste sa participation à la « grande guerre », où le groupe a donné à notre pays quelques-uns de ses jeunes responsables.

Cette histoire est, en effet, particulièrement significative d’une période d’intense réflexion, d’innovation et d‘action, quelquefois en dehors des trajets établis.

La création du groupe se situe dans l’ensemble des initiatives de l’abbé Viollet au début du vingtième siècle. À partir de 1903, ce précurseur des « prêtres ouvriers » se lance dans la promotion de nombreuses activités : loisirs pour les familles à revenus modestes, création d’écoles d’assistance sociale, ouverture de dispensaires, fondation de coopératives d’achat et de caisses de secours mutuels et de prévoyance, construction d’équipements et de logements. En particulier la Société du Logement Ouvrier et l’Association Ouvrière Familiale du Moulin Vert qui perdure aujourd’hui avec de nombreuses réalisations. Parmi ces initiatives, on trouve la « fondation d’oeuvres de jeunesse », en l’occurrence la création du groupe des Éclaireurs de France en 1911.

Et on peut constater que cette création, par Camille Risch, l’un des proches collaborateurs de l’abbé Viollet, se situe en opposition au choix de la hiérarchie catholique qui, pendant une dizaine d’années, a refusé le principe même du scoutisme, jugé trop anglo-saxon, anglican et peut-être franc-maçon. Jean Viollet, et Camille Risch, précurseurs, choisissent donc de s’associer à la création en France, par les Éclaireurs de France, du scoutisme proposé par Robert Baden-Powell. Sa définition est donnée dès l’origine, en octobre et novembre 1911 et et ne peut être inconnue de ces fondateurs : c’est un scoutisme ouvert à tous, « sans distinction d’origine, de race ou de croyance », avec une promesse « alternative », permettant au jeune d’évoquer ou non son dieu.  

Nous avons retrouvé, à la Bibliothèque Nationale de France, quelques exemplaires du bulletin « L’éclaireur du Moulin Vert », « ronéoté » en 1916, qui nous donne une idée de ce scoutisme des premières années, et de sa volonté de « servir ».  Pendant une soixantaine d’années, le groupe va vivre, évoluer, proposer ses activités aux jeunes du quartier. Il participera successivement au Jamboree de la Paix en 1947, à l’évolution vers un fonctionnement démocratique dans les années de l’immédiate après-guerre, à l’accueil des filles pour une vraie « coéducation » à partir des années 50.

Ce que nous évoquons donc ici, c’est, avant tout, une double volonté : une volonté d’action sociale en direction des défavorisés, une volonté d’implication de la jeunesse au service de la collectivité. La plaque que nous réinstallons aujourd’hui est porteuse d’un esprit qui mérite d’être rappelé. Merci à notre ami Daniel Cadudal, « Furet », ancien du groupe et membre de notre association pour l’histoire du scoutisme laïque, de nous en donner l’occasion.

 

L’allocution d’Olivier barbey, délégué général des E.E.D.F. :

 

Madame le Maire du XIVe arrondissement de Paris,

Cher Daniel Cadudal, toi qui depuis la Bretagne a tant fait pour cette journée… Merci Furet

Chère Martine et cher Jean-François,

Cher Nicolas qui vient d’en Avignon et qui a contribué à cette prise de parole

Cher.es ami.es  éclés et de l’éducation populaire,

Mesdames, messieurs,

En rejoignant l’honneur rendu à la mémoire de ces jeunes gens du XIVe arrondissement tombés pendant la Première Guerre mondiale, les Éclaireuses et Éclaireurs de France rappellent comment le mouvement scout international s’est tourné après le conflit mondial vers l’éducation à la paix. Le Fondateur Robert Baden-Powell parlait ainsi du scoutisme en 1922 :

« Si cette méthode nouvelle appliquée aux deux sexes était suffisamment répandue elle exercerait une influence marquée sur le caractère et le bien général d’une nation. Elle contribuerait beaucoup à abolir les distinctions de classes et de milieux, à remplacer la crainte par l’amour, la mésentente par la sympathie mutuelle, la guerre par la paix.»

Nous rendons hommage à ces noms qui ornent le fronton inachevé du panthéon de l’éducation populaire. Dès 1911 Camille Risch initie les éclaireurs du Moulin vert pour conduire les camps des garçons du quartier en forêt de Fontainebleau. Élu en 1921 au Comité Directeur des Éclaireurs il promeut ardemment l’éducation nouvelle et ses méthodes actives. Il rassemble ses jeunes dans l’immeuble de l’Association Ouvrière Familiale, lié aux œuvres du Moulin vert. Animées depuis 1902 par l’abbé Jean Viollet, les œuvres intègrent socialement les familles ouvrières par le logement, la mutualité, l’aide aux mères et les loisirs pour l’enfance et l’adolescence. Le 92 rue du moulin vert en est le cœur battant. Étonnant réformateur social que l’abbé Jean Viollet, en délicatesse avec sa hiérarchie, qui comptait parmi les défenseurs de l’innocence du capitaine Dreyfus. Au Moulin Vert, la promotion de l’atmosphère familiale accorde à l’enfant par le respect dû à sa personne. La qualité des loisirs, le choix des lectures, le temps de sommeil, montrent combien l’éducation n’est pas l’apanage des familles bourgeoises. Voici émerger l’enfant comme personnalité en devenir, à qui il faut des activités saines et joyeuses.

C’est ce qu’enseignent les éclaireurs par la joyeuse utopie du camp scout, reliant le savoir savant aux traditions populaires et l’intellectuel au manuel tant il est vrai que la tête et la main ne créent pas séparément. Le délégué général du mouvement, André Lefèvre, alias Vieux Castor, tire son expérience de la Maison pour Tous de la rue Mouffetard, ancêtre des Maisons de jeunes. Dans cette moderne abbaye de Thélème, avec les militantes Marthe Levasseur et Marguerite Walther, l’équipe ouvre les éclaireurs aux petits prolétaires là où ne venaient que de jeunes héritiers. En honorant la mémoire du Moulin vert, vous honorez, Madame le Maire, l’heureuse recherche de la solution pédagogique à la question sociale. Les éclaireurs pronostiquent l’émancipation de l’individu, c’est l’essence d’une République démocratique et sociale.

Étonnant paradoxe qui consiste à tant parler de pleine nature au cœur de Paris. Pourtant, par leur prolongement de l’Ecole publique, les 15 000 adhérents actifs des Éclaireuses et éclaireurs de France et leurs réseaux œuvrent toujours dans leurs équipées à l’accueil de « celui qui croyait au ciel » et de « celui qui n’y croyait pas » pour offrir à tous les jeunes de goûter au camp d’été la fraîcheur d’un premier matin du monde. C’est l’exigence éducative du scoutisme laïque de fortifier les corps pour construire les consciences de femmes et d’hommes libres. Le scoutisme laïque s’emploie toujours à stimuler les initiatives des filles et des garçons, à discipliner leurs volontés, à leur donner l’habitude de la sincérité et de la solidarité, en un mot de prolonger en pratique l’enseignement moral et civique reçu à l’Ecole publique. Il enseigne aux petits Français à mieux se connaître, afin de pouvoir mieux s’aimer.

Ce moment que nous passons ensemble est aussi fort et important à titre personnel

Ma famille est originaire d’un petit village (un pays) de Haute-Marne où j’ai passé quasiment toutes mes vacances quand je n’étais pas en camp scout. Soyers comptait une centaine d’âme en 1914. La grande guerre en a fauché 9, inscrits sur notre monument municipal dont mon arrière-grand-père paternel Jean Fenard mortellement blessé fin Aout 1914 près de Vitry le François dans la Marne.

Ce matin, parmi vous, je pense particulièrement à lui et à sa fille Colette, ma chère grand-mère qui n’avait que 4 ans au décès de son papa et qui nous a élevé dans le souvenir flou mais aimant de ce père parti trop tôt… comme des millions d’autres pupilles de la Nation. Élevé à Reims, ville détruite à 80% par ce conflit, j’ai sillonné comme louveteaux et éclaireurs les terrains, champs et forêts encore défigurés de l’Argonne voisine, du chemin des Dames, du bois Belleau, Verdun le fort de la Pompelle, la grotte du dragon.

Titulaire de la carte du combattant récolté dans les Balkans au milieu des années 90, j’ai vu les affres la haine et combien il est important que la jeunesse construise et maintienne la paix. Le Scoutisme est un acteur important de cette construction dans le monde entier.

D’ailleurs Madame le Maire, je souhaite partager avec vous une belle nouvelle et un souhait.

La bonne nouvelle est que nous allons avec le scoutisme français accueillir en décembre prochain dans votre arrondissement à la cité internationale le 4eme congrès mondial scout des méthodes éducatives et nous serions ravis de voir comment nous pourrions interagir ensemble sur cet évènement planétaire…

J’aimerais beaucoup, madame le Maire, que l’on parvienne à rebâtir un groupe Éclaireuses Éclaireurs de France dans le 14 eme, dignes héritiers modernes de nos glorieux anciens.

Je vous remercie.

 

 

Un complément apporté par Nicolas Palluau :

 

Cher.es collègues et ami.es,

Vendredi 10 mars 2023 à 11h00 au 92 rue du Moulin Vert dans le XIVe arrondissement de Paris se tient la repose de la plaque commémorative rendant hommage aux Eclaireurs du Moulin Vert.

Il s’agit d’une des associations groupées au sein du consortium catholique social des Oeuvres du Moulin Vert qu’animait dès 1902 l’abbé Jean Viollet (1875-1956) dans le quartier où la réforme sociale reposait sur l’habitat social et l’éducation populaire.

Dès sa fondation en 1911 et dans l’entre-deux-guerres, la troupe des Eclaireurs du Moulin Vert déclinait la résolution pédagogique à la question sociale par les méthodes actives du plein air éducatif, des randonnées et du camp de toile.

L’immeuble ayant bénéficié d’une opération de rénovation, il est prévu la visite de la salle Marius Magnin dont le programme décoratif revalorisé illustre le projet socio-éducatif des Oeuvres du Moulin Vert.

Pour rappel, la question a fait l’objet de deux ouvrages, celui de Mathias Gardet (2005) https://www.editions-beauchesne.com/product_info.php?products_id=474 et celui de votre serviteur (2013) https://www.pur-editions.fr/product/6152/la-fabrique-des-pedagogues.