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1990 : Nadine Tétron : la participation à une « refonte pédagogique »

Témoignage recueilli à l’occasion de la préparation de la « journée de la mémoire du scoutisme laïque » 2023 sur le thème « Esprit et méthode »

 

 

Je suis arrivée à l’équipe nationale pédagogique sur la branche « lutins » à l’automne 1989 ou en janvier 1990, je ne me souviens plus très bien, après avoir fait un stage second degré / responsable de camp à Bécours, au mois d’août de la même année. Le stage était dirigé par Bernard Lefèvre et c’est lui, il me semble, qui m’avait parlé de l’existence des équipes pédagogiques de branche. A cette époque, les stages second degré / responsable de camp étaient des stages militants, on y découvrait la dimension nationale de l’association. J’y ai trouvé une résonnance à mon envie naissante de donner plus de sens à mon engagement comme responsable. Participer à ces équipes pédagogiques constituait un prolongement de cette envie.

Je me souviens de cette première réunion dans les locaux de la Chaussée d’Antin avec ses couloirs labyrinthiques. Je découvrais le siège des éclés un peu impressionnée, moi la petite provinciale niçoise de 20 ans. J’ai rencontré Jean-Pierre Weyland qui supervisait les travaux sur cette branche et Véronique Gaillard, la responsable nationale bénévole, même si à ce moment-là je ne suis pas sûre que la fonction existait officiellement au sein de l’association. On parlait de livre de bord, des 5 clés de la branche lutins, de l’arbre aux 5 clés.

1989, c’est l’année de Navigator, le grand jeu national. Au sein de mon groupe local, à Saint Laurent du Var, cela faisait deux ou trois ans déjà que j’étais responsable sur la branche « lutins ». A vrai dire, j’avais contribué à la créer au sein de mon groupe local et nous avions participé au jeu Navigator. Grace à la pédagogie de projet que ce grand jeu national cherchait à promouvoir, nous avions réussi, avec l’équipe de responsables, à donner une vraie identité à cette branche qui accueillait un peu plus d’une quinzaine d’enfants tout au long de l’année, mais aussi en camp d’été.

Pendant un an, il me semble, j’ai participé aux réunions et aux travaux de équipes pédagogiques au siège de l’association ou à l’occasion de grandes réunions. Je me souviens d’un grand rassemblement de ces équipes à Puits Bertin, un centre éclés près de Loches en Indre et Loire. Je ne sais plus combien nous étions, mais rien que sur la branche « lutins », nous étions une petite équipe d’une dizaine de responsables, venant du Nord, de la Normandie, de la Picardie, du sud-ouest, de Bretagne et pour moi de Nice. Je n’ai plus beaucoup de souvenirs des travaux que nous y avons effectués, mais je garde le souvenir des repas tellement animés que j’avais l’impression d’être au spectacle, des chansons du groupe « carnet de chants », des bretons qui racontaient si bien les aventures et les projets qu’ils faisaient vivre à leurs clans d’aînés, de l’ébullition et du formidable foisonnement d’idées présents dans tous les groupes de travail.

Et puis Véronique est devenue professionnelle des éclés, sur le service vacances adaptées de Caen. Elle a abandonné sa responsabilité nationale bénévole sur la branche « lutins ». Jean-Pierre m’a sollicitée pour la remplacer. Je me suis sentie propulsée à une fonction dont je n’avais même pas imaginé qu’elle pouvait m’incomber. C’est une des richesses de l’association, encore maintenant je pense, d’offrir à ses jeunes bénévoles l’occasion de prendre des responsabilités en son sein, bien plus tôt que n’importe où ailleurs dans la société. J’ai accepté, étonnée et un peu épatée de la confiance qu’on m’accordait, un peu inquiète aussi de ma capacité à répondre aux exigences de la fonction. La première chose que j’ai faite en tant que responsable nationale lutin, c’est d’écrire un article pour Routes Nouvelles, la revue des responsables, article dans lequel il s’agissait, je crois, de raconter une journée de lutin en camp d’été. Je n’avais jamais écrit dans une revue nationale.

Jean-Philippe Michard est arrivé à l’équipe nationale pour s’occuper des deux branches « lutins » et « louveteaux », laissant Jean-Pierre se consacrer pleinement à la branche « aînés ». C’est avec lui que j’ai travaillé pendant plusieurs années, montant régulièrement à Paris, œuvrant avec des responsables de terrains engagés dans leur groupe local, expérimentant les propositions que nous concevions. Sous l’égide de Véro, les 5 clés de la ronde (jouer / réaliser / vivre ensemble / participer au conseil / prendre la clé des champs), déclinaison de la règle d’Or, avaient déjà été élaborées. Le livre de bord, outil pédagogique collectif de progression, intitulé l’arbre aux 5 clés était déjà conçu. Avec Jean-Philippe en pilote professionnel et moi en responsable nationale bénévole, les objectifs de l’équipe pédagogique lutins consistaient maintenant, à partir de l’expérience des uns et des autres sur le terrain, de collecter et de concevoir des propositions adaptées à la branche, des propositions ambitieuses, pour que les 6-8 ans vivent une réelle pratique du scoutisme avec des méthodes spécifiques.

Pendant un certain temps, avec la petite équipe que nous réunissions avec Jean-Philippe plusieurs fois dans l’année, alternaient l’aspect conception, formalisation des propositions et l’aspect mise en pratique, et temps de formation. Nous participions dans les régions à des moments d’échanges ou de formation sur la branche « lutins », lors de week-end spécifiques ou pendant les congrès. Je me souviens de cette période comme d’un moment intense d’échanges, enrichies des pratiques sur le terrain avec les responsables lutins, souvent référents régionaux qui composait l’équipe pédagogique de la branche. Par la suite, la réalisation de la brochure L’aventure Lutins nous a mobilisé toute l’année scolaire 1992-1993. L’Aventure Ainés était déjà parue, L’aventure Eclés et l’Aventure louveteaux en cours d’élaboration. Ecrire une revue pédagogique était une aventure en soi, exigeante parce qu’elle devait être un outil pour tous et accessible à tous, ambitieuse parce qu’adapter le scoutisme à des 6-8 ans est une démarche ambitieuse, partagée avec une équipe de militants convaincus dont je garde un souvenir ému, bien des années après.

Toute cette période a été intense dans mon engagement éclés. Elle correspond à la poursuite et à la fin d’une refonte pédagogique en profondeur que l’association avait choisi de réaliser et qui représente un marqueur fort dans son histoire. Je me sens fière d’y avoir contribué.