… peut-être premier pas vers une « mixité » , en tout cas très discuté !
Dans la définition et le fonctionnement de la Fédération, ses activités sont évidemment destinées aux garçons, et les associations de scoutisme ouvertes aux filles ont une existence propre. Mais la branche Louveteaux est surtout animée par des « cheftaines », les « louvetiers » ne représentant qu’une infime minorité – ce qui signifie que certains cadres de l’association sont du sexe féminin. Peut-on en conclure que le ver est dans le fruit ? ce serait certainement exagéré, mais certains signes, à partir du milieu des années 30, commencent à évoquer une ouverture de la Route aux filles, bien entendu sous conditions. En témoigne, par exemple, un article de Françoise Houdard, cheftaine à Paris, publié dans « Le Chef » de juillet 1935 :
« Les extraits de lettres reçues à propos de la Route des Cheftaines me forcent à prendre, coûte que coûte, le temps nécessaire : le sujet me passionne et me semble encore terriblement indécis.
Voyons. La Route Cheftaine. Que ce soit : une branche nouvelle, Route féminine où les cheftaines seraient admises sous réserve de l’Adoubement. (…) Nous ne nous sentons absolument pas à l’aise chez les Éclaireuses aînées. Nous aimons notre Fédération, son esprit, son travail, et c’est dans notre Fédération que nous devons trouver la branche qui complètera notre activité de cheftaine de Louveteaux par une possibilité de formation personnelle du commun. Je propose d’appeler cette branche nouvelle : la Chaîne (non pas la chaîne qui enchaîne, mais cette chaîne volontaire et féconde des feux de camp, de l’amitié, de l’effort en commun pour un même idéal). Et les membres de la Chaîne s’appelleraient des Mains. »
Suivent un certain nombre de propositions sur les caractéristiques de la Chaîne – formation personnelle, entraide matérielle et morale, esprit – et les modalités d’adhésion et de fonctionnement. Une difficulté apparaît : « Un mot à propos de la participation du Louvetier à cette nouvelle branche : a priori : non. (…). Autrement dit, d’un bout de l’année à l’autre, la Chaîne doit fonctionner entre Mains et avoir un caractère exclusivement féminin. Cependant, quatre ou cinq fois par an, les louvetiers seront invités à se joindre à une réunion, ne serait-ce que pendant une ou deux heures, au gré du chef de clan. (…) Donc : féminité, action, santé, amitié, aimer servir et rayonner les qualités de la femme ».
La conclusion de l’article est un appel aux responsables nationaux : « Nous avons tout à fait besoin de la Chaîne, et je suis sûre qu’elle va partir dans la bonne direction, grâce à votre expérience. Merci de nous consulter, mais il faudra que, le moment vienne où vous nous indiquerez, vous, ce que vous pensez et quelle forme la Route féminine doit adopter en définitive ? J’ai grande hâte de voir ce départ. »
Il est clair que ce texte, publié dans la revue « officielle » de la Fédération, évoque pour la première fois la possibilité d’une « Route féminine » – d’ailleurs explicitement réservée aux filles – dans le cadre de l’association masculine des Éclaireurs de France. Peut-on y voir une anticipation ?
On note l’importance de la création – ou du maintien – d’un rituel spécifique, avec « devise », « adoubement », « classes »… Certaines vont même jusqu’à souhaiter constituer une « élite » de « pionnières » – les mots sont importants. Restera le problème des « louvetiers », acceptés par certaines, à petites doses bien sûr, mais rejetés par d’autres…
Et certaines ne comprennent pas pourquoi on limiterait cette Route aux « Cheftaines », pourquoi ne pas l’ouvrir ? Mais d’autres font remarquer que la Fédération a été créée pour « donner aux garçons et à eux seulement »…
Comme le dit la conclusion, « Et maintenant, faites-vous une opinion ! ».