1943-1944 : L'épopée de Cappy sous l’occupation… - Une filière pour fuir Paris

Ven23Jan201510:32

1943-1944 : L'épopée de Cappy sous l’occupation…

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Jean est depuis sa plus tendre jeunesse un partisan actif de la technique d’éducation et de pédagogie du scoutisme. Il trouve à « La Maison Verte » un moyen d’en dispenser les préceptes, sans l’uniforme et sans l’appellation, car bien entendu, le scoutisme est interdit par l’occupant.

Mais avec l’occupation allemande, l’antisémitisme prend des proportions alarmantes. Les juifs sont harcelés et persécutés. Depuis la tristement célèbre rafle du Vel d’Hiv (*) du 16 juillet 1942, tous cherchent à fuir vers la province. Ce qui préoccupe vraiment Jean, c’est la situation des juifs du 18e arrondissement. Il envisage alors la création d’une colonie de vacances qui serait aussi un refuge pour les enfants juifs, qui, comme leurs parents, sont poursuivis et risquent d’être dénoncés. Les lois du gouvernement de Vichy ont été décrétées et avec les recensements, persécutions… il sait que les enfants juifs du quartier sont en grand danger.

Dès le printemps 1943, Jean prévoit et organise sa future colonie de vacances. Il se souvient qu’en 1939, il a séjourné avec sa famille au château de Cappy, à Verberie, dans l’Oise. Il y dirigeait alors un camp de formation. C’est d’ailleurs pendant ce séjour que les Joussellin ont appris la déclaration de la guerre. Cette propriété avait été offerte à la France en 1922 par le gouvernement américain. Les Éclaireurs Unionistes et les Éclaireurs de France en deviennent ensuite les propriétaires et la transforment en école de cadres. En 1943, ils la mettent gracieusement à la disposition de Jean qui y installe sa colonie de vacances. De plus, les lits, tables, tentes et couvertures qui sont sur place sont aussi mis à sa disposition.

Pour « légitimer » la création de cette colonie, Jean crée le Comité Protestant des Colonies de Vacances, le CPCV, qui sert de paravent. C’est officiellement un organisme de fédération de colonies de vacances protestantes et de formation de cadres pour ces colonies. Parallèlement, le Comité organise un accueil dans des familles du Pays de Montbéliard et du Poitou pour des enfants de villes bombardées comme Le Havre, Saint-Nazaire, etc. Il y a beaucoup de protestants dans ces régions-là. Ce comité existe toujours mais aujourd’hui, rares sont ceux qui en connaissent l’origine. Renée David en sera la Secrétaire Générale pendant 5 ans, de 1943 à 1948.

Conscient des problèmes que vont poser le ravitaillement et la nourriture à Cappy, Jean explique au maire du 18e arrondissement et au maire de Verberie son projet de colonie de vacances. C’est indispensable car la question des cartes d’alimentation se pose : certaines de celles qui lui seront remises quand les enfants seront pris en charge sont marquées « juif ». Le maire du 18e acceptera de les faire changer à condition qu’elles soient présentées ouvertes avec les tickets pré-découpés pour l’échange.

Un employé de la mairie de Verberie est mis dans le secret et personne n’aura jamais d’ennui avec ces cartes, jusqu’à ce que les nouvelles cartes, sans inscription, les remplacent. C’est la mairie de Verberie qui les prend en charge à partir de ce moment-là. Cet épisode est très important car les cartes d’alimentation se révéleront indispensables pour nourrir les enfants de Cappy.

(*) La rafle du Vélodrome d’Hiver (16 juillet 1942), souvent appelée rafle du Vel’d’Hiv, est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale, essentiellement de Juifs étrangers ou apatrides réfugiés en France.
En juillet 1942, le régime nazi organise l’opération « Vent Printanier » : une rafle à grande échelle de Juifs dans plusieurs pays européens. En France, le régime de Vichy mobilise la police française pour participer à l’opération : à Paris, 9 000 policiers et gendarmes raflent les Juifs.
Le 17 juillet, en fin de journée, le nombre des arrestations dans Paris et la banlieue était de 13 152 dont 4 115 enfants selon les chiffres de la préfecture de police. Moins de cent personnes, dont aucun enfant, survécurent à la déportation.

 

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