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1995 : Paul-Emile Victor, un grand ancien de notre Mouvement

Extraits de la fiche « Wikipedia » qui lui donne comme activités : explorateur, anthropologue, scoutisme…

 

 
   

Paul Eugène Victor, dit Paul-Émile Victor ou PEV, né le 28 juin 1907 à Genève et mort le 7 mars 1995 à Bora-Bora, est un explorateur polaire, scientifique, ethnologue, écrivain français, fondateur et patron des expéditions polaires françaises durant vingt-neuf ans.

Biographie

Jeunesse et débuts de carrière (1907-1934)

Paul Eugène Victor naît le 28 juin 1907 à Genève en Suisse, de parents français immigrés d’origine juive d’Europe centrale. Il est le fils d’Erich Heinrich Victor Steinschneider, issu d’un milieu aisé de juristes et d’industriels originaires de Bohême, et de Maria Laura Baum, issue d’une famille bourgeoise polonaise établie à Vienne, installés dans le Jura à partir de 1906. C’est le 10 juin 1907 qu’Erich Heinrich Victor Steinschneider obtient de la Lieutenance générale impériale et royale du Royaume de Bohême l’autorisation de changer son nom en « Éric Victor ». Soucieux de s’intégrer dans sa nouvelle patrie, cette francisation (en choisissant son troisième prénom comme patronyme) lui permet de masquer la consonance germanique de son nom dans un pays encore marqué par la guerre de 1870.  Les parents choisissent Genève, où ils connaissent une doctoresse réputée, pour qu’y naisse leur premier enfant, Paul, déclaré de nationalité tchèque à sa naissance. Sa sœur Lily Marguerite naît le 30 novembre 1908.

Paul passe une partie de son enfance en France à Saint-Claude dans le Jura où son père possède une usine de pipes en bruyère, les « Établissements E.H.Victor »..  En 1916, ses parents déménagent à Lons-le-Saunier, toujours dans le département du Jura, où son père crée une nouvelle usine de pipes qui se diversifie en 1928 dans la fabrication de stylos, l’Angleterre, son principal pays débouché s’étant réservé le monopole de la vente de pipes sur son territoire.

Très jeune, Paul-Émile se réfugie dans le grenier, loué avec l’appartement de la « Villa Bernard », propriété de la famille Bernard-Genin, où il se plonge dans une collection de livres et de revues, d’affiches et de récits d’aventures, d’exploration et d’ethnologie, qui éveillent en lui des rêves et la passion des voyages polaires et polynésiens. Il entre aux Éclaireurs de France (où il devient « Tigre Souriant ») dont il sera responsable local et avec qui il gardera des liens tout au long de sa vie. Il revient sur cet épisode de sa vie dans son livre de souvenirs « La Mansarde ».

En 1925, ayant obtenu les baccalauréats sciences-langues-math-philo, il poursuit une formation d’ingénieur à l’École centrale de Lyon qu’il quitte en fin de troisième année sans diplôme, pour passer et réussir le concours d’entrée de l’École nationale de navigation maritime de Marseille, dont il sortira diplômé le 26 novembre 1928. Il fait ensuite son service militaire dans la Marine nationale : incorporé en mai 1929 à Toulon, le matelot de deuxième classe Victor devient après ses classes élève officier sur le bateau-école cuirassé Voltaire puis aspirant sur le porte-avions Béarn. La Marine, dont il se fait une idée plus poétique, le déçoit.

En 1931, il obtient un brevet de pilote d’avion, grâce à son instructeur et ami, Claude de Cambronne. Les deux années suivantes, il est employé aux Établissements E.H. Victor mais rapidement, son désir d’aller explorer les îles polynésiennes l’en détourne. Arrivé à Paris en septembre 1933, il obtiendra bientôt le diplôme de l’Institut d’ethnographie du Trocadéro de Paris.

Premières expéditions au Groenland (1934-1939)

En 1934, à la suite d’une rencontre décisive avec le célèbre et très médiatique commandant et explorateur polaire français Jean-Baptiste Charcot, il organise sa première expédition polaire grâce au Musée d’Ethnographie du Trocadéro de Paris et son directeur, Paul Rivet. Il embarque sur le Pourquoi-Pas ? du célèbre commandant et se fait débarquer avec trois compagnons, le médecin et anthropologue Robert Gessain, le géologue Michel Perez et le cinéaste Fred Matter-Steveniers, sur la côte est du Groenland pour sa première expédition polaire chez les « Eskimos » de la localité d’Ammassalik. Au cours de cette première année passée avec les inuits, il apprend à parler couramment leur langue.

En 1935, à son retour en France, fort de son aura et de son sens de la communication exceptionnels, il acquiert une notoriété médiatique grâce à de nombreuses conférences et articles sur ses aventures, dans des revues diverses.

En 1936, il réalise l’exploit de traverser le Groenland en traîneaux à chiens, d’ouest en est, avec ses compagnons Robert Gessain, Michel Perez et le Danois Eigil Knuth. Arrivé à l’est, il reste quatorze mois seul à Kangerlussuatsiaq au sein d’une famille Inuit « comme un Eskimo parmi les Eskimos ». Aventure durant laquelle il a une liaison avec Doumidia, une « ravissante » jeune inuit de dix-neuf ans (il en a vingt-neuf).

À son retour en France, il rencontre un nouveau grand succès médiatique et scientifique grâce à ses nombreuses conférences et articles de presse et de revue diverses et publie pour le Musée de l’Homme les résultats de son étude ethnologique et ses nombreuses notes et dessins sur la culture traditionnelle groenlandaise entièrement organisée autour du phoque.

En 1938, avec Michel Perez et le commandant Jacques Flotard (armée des Alpes), il effectue un raid transalpin Nice / Chamonix en traîneaux à chiens pour démontrer, avec succès, que les techniques polaires peuvent pallier les problèmes de transport d’hommes et de matériel en cas d’hiver rigoureux.

En 1939, il réalise une étude ethnologique en Laponie norvégienne, finlandaise, suédoise avec ses amis les docteurs Michel Latarjet et Raymond Latarjet.

Pilote de l’US Air Force (1941-1946)

Paul-Émile Victor, lors de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, est mobilisé dans la marine française basée à Stockholm en Suède, il est à la fois officier de renseignement et officier de liaison avec la Finlande alliée jusqu’à l’armistice de 1940. Il quitte la France à l’automne 1940 et séjourne au Maroc puis en Martinique dans le cadre de missions ethnologiques, et arrive aux États-Unis en juillet 1941.

En 1942, il s’engage dans l’US Air Force comme GI, avant de devenir, grâce à sa connaissance du milieu polaire, lieutenant-instructeur, pilote et parachutiste. Il prend par la suite le commandement d’une des escadrilles « recherche et sauvetage » de pilotes perdus en milieu polaire pour l’Alaska, le Canada et le Groenland et obtient à ce titre la double nationalité française et américaine.

Rentré en France en décembre 1945, il est démobilisé en juillet 1946 et se marie le 30 juillet, avec Éliane Decrais (1918-2017) dont il a un premier fils le 30 mai 1947, Jean-Christophe puis les jumeaux Stéphane et Daphné le 6 novembre 1952. Le 30 septembre 1971, il aura un autre fils Teva (sculpteur) avec sa seconde femme Colette.

Chef des Expéditions polaires françaises (1947-1976)

Les populations Inuits sont restées peu connues avant les récits des premiers explorateurs.

Le 28 février 1947, après 13 ans d’exploration et d’ethnologie, Paul-Émile Victor s’oriente vers les expéditions scientifiques en créant les Expéditions Polaires Françaises – EPF – Missions Paul-Émile Victor grâce à son charisme, à son don pour les relations publiques et avec l’appui entre autres des médias, du gouvernement et du député et ministre André Philip.

De 1947 à 1976, il dirige les Expéditions polaires françaises. Au cours de ces vingt-neuf années, 150 expéditions sont menées, dix-sept d’entre elles qu’il vit et dirige personnellement en Terre Adélie en Antarctique et quatorze au Groenland en Arctique avec, entre autres, comme cadreur Samivel.

Il est également chef de l’Expédition glaciologique internationale au Groenland (EGIG), président du Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR), président du Comité antarctique français pour l’Année géophysique internationale (AGI). Paul-Émile Victor réalise en 1956 son premier voyage en terre Adélie. Il y installe, trois ans plus tard, la base antarctique Dumont d’Urville et la base Charcot 320 km vers l’intérieur du continent Antarctique. Pour progresser sur les zones glaciaires il fait fabriquer par l’intermédiaire de la Someto des chenilles spéciales dessinées par M. Cousin.

À partir de 1962, il s’intéresse puis se passionne pour la défense de l’homme et de son environnement et devient en 1968 délégué général de la Fondation pour la Sauvegarde de la Nature, créée par Louis Armand. Le 1er mars 1965, il épouse en secondes noces à Tahiti, Colette Faure, une hôtesse de l’air qui vit dans une péniche voisine de la sienne, amarrée sur la Seine à Paris, dont il a un fils : Teva, né le 30 septembre 1971. C’est Colette qui lui fait découvrir le livre Printemps silencieux (Silent Spring) de l’océanographe américaine Rachel Carson, ouvrage qui le décide à s’investir pleinement dans le mouvement écologiste.

En 1974, il crée le « Groupe Paul-Émile Victor pour la défense de l’homme et de son environnement » avec notamment, Jacqueline Auriol, Alain Bombard, Jacques-Yves Cousteau, Haroun Tazieff, les professeurs Louis Leprince-Ringuet et Jacques Debat, groupe dont les travaux fourniront la matière de son livre Jusqu’au cou… et comment s’en sortir publié en 1979 chez Nathan, où il aborde ce que l’on appelle aujourd’hui le « développement durable » dans une perspective globale et pratique.

En 1976, à 69 ans, il prend sa retraite et transmet la direction des EPF à ses compagnons, notamment Jean Vaugelade et Gaston Rouillon, et devient membre du Conseil consultatif des TAAF (Terres australes et antarctiques françaises).

Les Expéditions Polaires Françaises, après avoir été intégrées dans l’Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires (IFRTP), ont laissé la place, au début des années 2000, à l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV [archive]), basé à Brest.

Retraite en Polynésie (1976-1995)

En 1977, il réalise son second rêve d’adolescent : avec sa femme Colette et leur fils, ils s’installent en Polynésie française sur leur motu, vierge, le Motu Tane (« l’île de l’homme » en langue tahitienne) à Bora-Bora, où il passe sa retraite à rédiger ses mémoires et des articles tout en dessinant beaucoup et en jouant encore, à l’occasion, de son énorme aura médiatique dans des causes diverses, et en recevant le gotha scientifique planétaire de passage dans cette île paradisiaque.

Les 5 et 6 octobre 1982 a lieu à l’hôtel Drouot la vente de sa bibliothèque polaire et de voyages. Le catalogue comporte une intéressante introduction de Paul-Émile Victor expliquant les raisons de la vente : « il n’est guère possible de faire venir mes 125 mètres linéaires de ma bibliothèque polaire » et « raison profonde… je ne veux pas qu’ils aillent se noyer dans une bibliothèque de Musée… ».

En 1987, pour fêter ses 80 ans, il retourne en février en terre Adélie, accompagné de quatre adolescents, son fils de 15 ans et trois étudiants français qui ont gagné un concours organisé par les Explorations polaires françaises et le journal Science et Vie. Puis, le 5 mai, il pose pour la première fois le pied au pôle Nord avec l’expédition polaire en ULM de Hubert de Chevigny et Nicolas Hulot.

En 1988, sur son île, il est frappé par un accident vasculaire cérébral qui le paralyse à moitié, mais dont il récupère en grande partie.

En janvier 1989 est inauguré le « musée polaire Paul-Émile-Victor » à Prémanon, près des Rousses à 30 km de Saint-Claude, dans le Jura franc-comtois de son enfance, où il effectue de nombreux séjours lorsqu’il est en France. Ce musée fondé avec son ami jurassien Pierre Marc devient en 1998 le « Centre polaire Paul-Émile Victor », qui fermera définitivement ses portes le 31 mars 2016 pour faire place à l’Espace des Mondes Polaires Paul-Émile Victor.

Il fut « consul » du royaume d’Araucanie et de Patagonie à Bora-Bora.

Le 7 mars 1995, il meurt sur le Motu Tane à l’âge de 87 ans et, selon ses dernières volontés, est immergé en haute mer avec les hommages de la Marine nationale à bord du bâtiment de transport léger de la classe Champlain, le Dumont d’Urville.

Paul-Émile Victor est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages scientifiques, techniques, de vulgarisation et d’aventures, et de très nombreuses revues et articles. Il obtient le prix de l’Académie française en 1973 pour l’ensemble de son œuvre littéraire, la grand-croix de la Légion d’honneur et le titre de Satrape du Collège de ‘Pataphysique.

Écrivain, dessinateur, protecteur de la nature avant l’heure, homme de cœur, de contact et de communication, « PEV » (comme l’appellent ses amis) a laissé en héritage – outre un institut polaire et un musée – un état d’esprit, celui qui a guidé sa vie d’explorateur et d’humaniste passionné, ouvert sur le monde et sur les autres. Depuis son plus jeune âge, il a porté et défendu des valeurs partagées avec le scoutisme telles que :

  • l’esprit d’équipe, le sens du partage et de l’intérêt général, voire de l’intérêt national ;
  • le sens de la responsabilité, personnelle et planétaire ;
  • l’intégrité, l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et financiers ;
  • la curiosité, l’ouverture, la confiance en l’autre ;
  • le sens de la transmission, l’écoute et le soutien aux générations futures…

C’est pour pérenniser sa mémoire, son œuvre, ses convictions et ses valeurs que ses quatre enfants ont créé le fonds de dotation Paul-Émile-Victor, appelé, entre autres, à initier, monter ou soutenir tout projet, sportif ou non, polaire ou non, en concordance avec ces valeurs, fondamentalement humaines.

PEV a été longtemps membre de notre association d’anciens