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2012 : Un avis autorisé, celui de Dominique Bénard

 .. à la lumière d’une longue expérience au service du scoutisme, national et  international.

 

Maurice Déjean nous transmet un message reçu de Dominique Bénard après lecture de l’ouvrage « Pierre Déjean, notre frère » :

 

« Dans les années quarante, ces deux fonctionnements éducatifs ont conduit les uns vers le pétainisme et la collaboration, les autres vers une appréhension critique et créative de la réalité conduisant à la transformation de la société par la résistance. Je crois que c’est l’honneur du scoutisme laïque de s’être engagé tout entier sous la seconde voie sous la conduite de chefs à la qualité  humaine incomparable comme Pierre Déjean.

L’exemple de Pierre nous anime dans les combats d’aujourd’hui. »

Cet avis est précédé d’une citation de Paolo Freire, pédagogue brésilien : « L’éducation  fonctionne, ou bien comme un instrument utilisé pour faciliter l’intégration de la jeune génération dans la logique du système actuel et vise la conformité, ou bien  devient une pratique de liberté, le moyen par lequel les hommes et les femmes appréhendent la réalité de manière critique et créative et découvrent comment participer à la transformation de leur monde. » (Pédagogie des opprimés. 1970)

Nous avons demandé à Dominique l’autorisation de publier cette réponse… et de nous raconter son parcours dans le scoutisme. Nous reproduisons l’ensemble, en attirant l’attention de nos visiteurs sur la conclusion que tire Dominique de son expérience internationale en ce qui concerne notre choix d’un scoutisme « laïque ».

 

Voilà un petit résumé de ma « carrière » scoute :

 

1. Éclaireur Unioniste à Menton – 1954-1956

J’ai commencé le Scoutisme en 1954 à Menton dans une troupe d’Éclaireurs Unionistes car mon père ne voulait pas que « j’aille chez les curés ». Il n’y avait pas de troupe EDF. Faute de chefs, la troupe EUF a cessé d’exister au bout de deux ans et je me suis replié, avec mon chef de patrouille (protestant) dans la seule autre unité scoute qui fonctionnait, une troupe Scouts de France.

 

2. Bénévole chez les Scouts de France de 1956 à 1970 (Chef de troupe, animateur départemental, Commissaire départemental)

Mon Chef de Patrouille en est devenu rapidement le responsable, ce qui prouve que la Fédération du Scoutisme Français a des racines profondes à la base au moins.

J’ai pris la succession de mon Chef de Patrouille et, en 1963, parti à Marseille à l’occasion de mes études, je suis devenu Routier.

Nommé Conseiller d’Orientation Scolaire et Professionnelle dans l’Eure, j’ai poursuivi ma carrière chez les SDF en étant successivement Chef de troupe, puis animateur départemental de la branche des préadolescents (appelés « Rangers » à l’époque) et enfin Commissaire départemental.

 

3. « Permanent » chez les Scouts de France de 1970 à 1983 (Commissaire national de la branche préadolescente, Commissaire national à la formation, Commissaire Général)

 

En 1970, des copains m’ont demandé de les rejoindre comme permanent national de la branche « Rangers » et c’est ainsi que j’ai commencé mon parcours de « professionnel » dans le Scoutisme. Je suis devenu successivement Commissaire National à la Formation, puis Commissaire Général des SDF de 1977 à 1983.

En 1983, à la fin de mon mandat, un ancien des EEDF, Bernard Dumont, à l’époque Délégué Général de l’Association Française des Volontaires du Progrès, m’a demandé de le rejoindre pour prendre la direction du Service des Volontaires (recrutement et formation). L’AFVP était à l’époque co-gérée par le Gouvernement et les associations de jeunesse et j’ai cotoyé là les EEDF, les SDF, les Francas, les CEMEA, etc. D’aileurs, quelques années après, Roland Daval a repris le poste que j’occupais.

4. Bénévole dans l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout de 1975 à 1990 (membre du Comité Européen, du Comité Mondial à la formation puis du Comité Mondial)

 

Tout en étant permanent chez les SDF, j’ai occupé de 1975 à 1983 diverses fonctions bénévoles au sein de l’OMMS : Membre du Comité Européen du Scoutisme (3 ans), membre du Comité Mondial à la Formation (3 ans), puis membre du Comité Mondial de 1983 à 1990 (j’ai été Vice-Président du Comité Mondial de 1986 à 1990)

5. Professionnel au Bureau Mondial du Scoutisme de 1990 à 2007 (Directeur du Bureau Européen, Directeur du Programme, Directeur Exécutif des Méthodes Educatives et Secréataire Général Adjoint)

 

En 1990, à la fin de mon mandat au Comité Mondial du Scoutisme, Jacques Moreillon, alors Secrétaire Général de l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout, m’a demandé de prendre la responsabilité du Bureau Européen du Scoutisme (un des 5 bureaux régionaux de l’OMMS). Ma tâche principale était de soutenir la relance du Scoutisme en Europe de l’Est après la chute du régime soviétique. C’est ce que j’ai fait de 1990 à 2000, soutenant l’émergence de nouvelles organisations scoutes dans 15 « nouveaux pays », depuis les pays baltes jusqu’en Albanie en passant par la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque, la Slovaquie et tous les pays de l’ancienne Yougoslavie. Ce fut vraiment pour moi une aventure extraordinaire.

En 2000, Jacques Moreillon m’a nommé Directeur du Programme, et cette fonction s’est transformée en 1994, à l’arrivée du nouveau SG, Eduardo Missoni, en Directeur des Méthodes Educatives. Eduardo m’a nommé Secrétaire Général Adjoint, et j’ai pris ma retraite en 2007. Pendant cette période, je me suis efforcé de développer les programmes du Scoutisme dans 4 directions clés : l’éducation à l’environnement, la participation des jeunes, le Scoutisme et les jeunes défavorisés et un renouveau de la pédagogie scoute avec l’approche pour le Renouveau et l’Actualisation du Programme scout « RAP ».

Conclusion: un engagement pour le Scoutisme laïque

Je dois dire que c’est au cours de mon expérience au Bureau Mondial du Scoutisme que j’ai découvert la nécessité de lutter pour l’autonomie du Scoutisme par rapport aux institutions religieuses (qui cherchent souvent à instrumentaliser le Scoutisme pour leurs propres objectifs). Ainsi en Europe de l’Est, nous avons lutté avec le soutien du Comité Mondial et du Bureau Mondial pour parvenir à la création dans chaque pays d’une association nationale unique et pluraliste, indépendante des Églises.

Comme tu le sais sans doute déjà, je suis convaincu que l’organisation du Scoutisme en France, fondée sur une série d’associations confessionnelles – à part les EEDF – ne correspond plus à la réalité de la France, un pays multiculturel et laïque. Les associations confessionnelles deviennent de plus en plus des associations « communautaristes » et, si une nouvelle structuration n’est pas mise en place (renforcement de la Fédération ou création d’une organisation unique), la fragmentation du Scoutisme Français va s’accentuer avec l’impossibilité de s’opposer à la reconnaissance d’associations communautaristes multiples qui frappent déjà à la porte : Scouts Adventistes, Scouts Bouddhistes, Scouts Evangéliques, etc.

C’est pourquoi la seule association laïque française, les EEDF, doit être soutenue et renforcée pour devenir la pierre angulaire du nouveau Scoutisme Français à créer autour des valeurs de la laïcité, du pluralisme, de l’éducation à l’esprit critique et à la démocratie.