Michel AGNELLET, l’éclaireur du lycée Buffon
Le 11 novembre 1940 a lieu sur les Champs-Elysées une manifestation de lycéens et d’étudiants. Elle s’achève devant l’Arc de Triomphe de l’Étoile, en commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918. Elle rassemble plusieurs milliers de personnes et est durement réprimée par les occupants nazis. Elle est considérée comme un des tout premiers actes publics de résistance à l’occupant en France.
Michel Agnellet, éclaireur de France parisien a 13 ans et demi et est élève au Lycée Buffon. Il est présent sur les Champs -Élysées parmi trois à cinq mille étudiants et lycéens.
Soixante-dix ans plus tard, en mars 2010, témoignant devant des élèves d’un lycée du sud de la France il raconte : «Les élèves du Lycée Turgot crient «Vive de Gaulle» et tapent alors le sol avec deux gaules de bois pour symboliser le général. On chante la Marseillaise et les filles agitent des drapeaux tricolores. Mais on entend alors une musique militaire allemande qui s’avance et qui couvre notre chant. Nos aînés entrent dans les bars, prennent divers objets et les envoient sur les musiciens. Seulement derrière, se trouve une compagnie de motocyclistes et d’automitrailleuses qui tirent en l’air et nous encerclent. Il y a 1041 arrestations dont 168 passants, 174 étudiants et 699 lycéens. Ils passeront de 2 à 4 semaines en prison pour interrogatoire afin de connaître les meneurs. Ils sont fichés comme terroristes.»
Mais pour certains lycéens de Buffon, cela ne s’arrête pas là car ils ont comme professeur de lettres Raymond Burgard, ancien chef de groupe des Éclaireurs de France à Sarreguemines, puis Commissaire régional d’abord en Tunisie et ensuite aux Antilles qui rejoint le lycée Buffon à la rentrée de 1937.
Raymond Burgard est un résistant de la première heure. Il fonde le réseau de résistance «Valmy» le 21 septembre 1940, avec quatre amis issus du groupe catholique de gauche Jeune République. Ce groupe rédige de multiples papillons, collés sur les murs parisiens ou sur les affiches de l’occupant. L’un d’eux, reprend la phrase prononcée par Marcel Astier lors de l’attribution des pleins pouvoirs à Pétain : « Vive la République, quand même ! ». Ce réseau distribue son journal « Valmy » qu’il édite clandestinement.
Michel Agnellet est de ceux qui vont agir clandestinement aux côtés de Raymond Burgard. Et le plus jeune engagé dans l’action clandestine dans le lycée. En avril 1942, le professeur est arrêté par la Gestapo à son domicile. Les lycéens, au premier rang desquels se trouve Michel, organisent à la rentrée des vacances de Pâques le 16 avril 1942 une manifestation. Pendant dix minutes, tracts et appels sont lancés. Les élèves se dispersent alors que la cloche retentit mais un agent du lycée prévient la police. Les meneurs : Lucien Legros, Jean-Marie Arthus, Jacques Baudry, Pierre Grelot et Pierre Benoit réussissent à s’enfuir. Le 3 et 4 juin quatre d’entre eux sont arrêtés sur dénonciation.
Le 17 juin 1942, les quatre amis arrêtés comparaissent devant le tribunal spécial de Paris pour avoir participé à la manifestation de la rue de Buci sous les accusations de «pillage, tentative d’homicide volontaire et association de malfaiteurs». La sanction est sans appel : travaux forcés à perpétuité. Toutefois, étant compromis dans des attentats contre les troupes d’occupation, ils sont remis aux autorités militaires allemandes.
Le 28 août c’est au tour de Pierre Benoît d’être arrêté près de la gare Saint-Lazare.
Michel Agnellet était le recruteur de Lucien Legros qui était son meilleur ami.
Le 15 octobre 1942, les cinq lycéens après un nouveau procès sont condamnés à mort par le tribunal de la Luftwaffe et transférés à la prison de Fresnes. Baudry et Legros tentent à deux reprises de s’évader mais sont repris et mis aux fers. Le 8 février 1943, vers 11 heures du matin, les cinq lycéens sont fusillés au stand de tir de Balard (Paris 15e) et leurs corps jetés dans une fosse commune du cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine.
Il existe une «Place des Cinq Martyrs du Lycée Buffon» à cheval sur le 14ème et le 15ème arrondissement de Paris. Et une plaque, près de l’entrée de l’établissement scolaire, boulevard Pasteur (15ème arrondissement), signale aujourd’hui leur sacrifice.