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1942 : Paul CHASLIN : Des lycéens dans la guerre

en Bretagne…

                                            

Entré aux E.D.F. dans les années 30, membre du Comité Directeur dans les années 60, Paul Chaslin raconte, dans le livre « De la nuit à l’aurore – des lycéens dans la guerre » aux Presses Bretonnes, 1996, l’histoire du Lycée Anatole le Braz de Saint-Brieuc. Nous en avons extrait ces quelques passages évoquant l’activité du Mouvement avant et pendant la guerre.

Communiqué par Jean-Jacques Gauthé pour l’association 1907, ce texte a été revu par Paul Chaslin avant édition.

«Le 29 mai 1938, le président de la République, Albert Lebrun, est venu à Saint-Brieuc en voyage officiel, accompagné de Jean Zay, ministre de l’Éducation Nationale. La troupe d’Éclaireurs de France du lycée – j’étais chef de la patrouille des Écureuils – avait été chargée de baliser le parcours que devaient emprunter, à l’intérieur du lycée jusqu’au gymnase, lieu des agapes, les quelques centaines d’invités du banquet officiel. En présence de mon proviseur, je dus « plancher » devant le Président et le Ministre, sur les activités scoutes au lycée. Je bafouillai d’autant plus qu’Albert Châtelet, directeur de l’enseignement du second degré, qui les accompagnait, était aussi le président de l’association nationale des Éclaireurs de France. (…)

En 1940, le ministre de l’Éducation Nationale, Albert Sarraut, s’adresse à la jeunesse de France, de 14 à 21 ans, dans la perspective des prochaines vacances :

«Vu les circonstances, nous avons un devoir envers la Patrie. Il y aura une part des vacances pour vous, et une autre pour la France. Pour répondre au besoin impérieux de main-d’œuvre, dans un élan de liberté, contrairement à la jeunesse allemande, il est nécessaire de se consacrer à des activités agricoles, domestiques et de caractère social.(…) L’heure est passée de parler des loisirs. C’est avec l’héroïsme du front et le travail de l’intérieur que la guerre sera gagnée».

La troupe d’éclaireurs du lycée va consacrer toutes les heures de liberté, puis des journées entières, à participer aux opérations d’accueil de la gare de Saint-Brieuc. Forte de la confiance du censeur, elle finira, au début de juin, par y camper sur la paille car les trains venant de Hollande, de Belgique, puis du Nord et de l’Est, enfin de la région parisienne, déferlent, de jour comme de nuit. Une collaboration s’établit avec Louis Guilloux, déjà rencontré dans l’aide aux républicains espagnols, qui est responsable du Secours Rouge pour Saint-Brieuc. (…)

En septembre 1942, j’entrais à Défense de la France et collaborais à différentes actions : essentiellement, transport et diffusion du journal, mais aussi action contre le S.T.O. et participation au réseau d’évasion. Comme beaucoup de jeunes Français, j’avais rêvé de partager l’aventure de la France Libre. J’ai longtemps hésité entre la poursuite de l’action clandestine et l’évasion par l’Espagne. Un jour, il m’apparut que le combat militaire devenait le plus efficace puisque je pouvais me faire remplacer en France par des filles et des garçons qui n’avaient pas l’âge de porter les armes. (…) Nous n’étions plus, hélas !, dans ces temps, pourtant si proches, où Jean Zay, s’adressant, en 1937, à un rassemblement d’éclaireurs, leur disait : «Ce que le scoutisme vous enseigne, ce n’est pas l’art cruel de la guerre, c’est l’amour du prochain, c’est la grande loi de la solidarité humaine, c’est la volonté résolue de la paix, c’est à dégager, par-delà les frontières, une communauté de jeunes qui se manifeste avec éclat dans les réunions internationales que vous appelez des jamborees».(…)

Le passage en Espagne ne fut pas une partie de plaisir. «Les mailles du réseau allemand ne sont pas si étroites», croyait le rédacteur de Défense de la France !  Sur le terrain, la réalité présentait bien de surprises… (…) 

Mars 1944 : un service funèbre fut célébré à Saint-Brieuc, dans la chapelle Notre-Dame des Espérances, à la mémoire de trois lycéens qui viennent d’être fusillés. Un catafalque, recouvert d’un drapeau tricolore, avait été dressé devant l’autel. À la fin de la cérémonie, la Marseillaise fut jouée à l’harmonium, sur un rythme ralenti qui lui donnait une nostalgie émouvante. À la suite du service funèbre qu’il avait eu l’audace de célébrer de cette façon, l’aumônier dut abandonner sans délai ses fonctions et quitter Saint-Brieuc.»

Renée Tacon, institutrice, responsable des louveteaux E.D.F. du lycée :

«J’avais alors 22 ans. Je faisais partie de la Résistance depuis deux années. Comment ai-je su qu’un office aurait lieu à Notre-Dame d’Espérance ? Je pense que c’est le bouche-à-oreille de mon réseau. Je me suis retrouvée Place Saint-Pierre et j’ai assisté à l’office. C’est la cérémonie la plus émouvante que j’ai suivie ! L’émotion était à son comble quand la marseillaise, jouée au ralenti, a retenti… Nous pleurions, et nous nous redressions… comme si les accents de notre hymne national nous redonnaient du courage et l’envie de relever la tête… de faire quelque chose…»