2014 : À propos de l’accueil au Panthéon de deux anciens résistants,

Jeu27Fév201410:50

2014 : À propos de l’accueil au Panthéon de deux anciens résistants,

 

 

… quelques informations complémentaires

 

 

 

Jean Zay, ancien ministre de l’Éducation Nationale, et Pierre Brossolette, résistant arrêté par la Gestapo, sont tous deux évoqués dans l’histoire de notre Mouvement.

 

Jean Zay, ministre de l’Éducation Nationale en 1936, a été invité aux manifestations organisées par les Éclaireurs de France et les Éclaireurs Unionistes à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la création du scoutisme en France. Il y a prononcé un discours dont le texte, retrouvé depuis, montre toute sa compréhension de nos objectifs et de nos principes. Il nous a paru intéressant d’en reprendre quelques extraits ci-après.

 

Madame Hélène Mouchard-Zay, fille de Jean Zay, présidente du CERCIL, a bien voulu participer à la « journée de la mémoire du scoutisme laïque » organisée à Paris le 30 novembre 2013 pour nous apporter son témoignage sur la période de la seconde guerre mondiale et ses enseignements.

 

 

Pierre Brossolette, ancien enseignant devenu journaliste, a été « recruté » par Louis François, membre des E.D.F. et futur président de notre Mouvement, pour participer aux activités, évidemment tout à fait clandestines, du petit groupe de résistance – le C.N.D. – créé par celui-ci à la demande du Colonel Rémy. Pour cette petite équipe d’enseignants, Louis François avait également recruté Georges Lapierre, secrétaire national du Syndicat National des Instituteurs, disposant de contacts locaux permettant de faciliter la circulation de clandestins.

 

Tous trois ont été dénoncés, arrêtés et torturés. Brossolette a été arrêté en Bretagne lors d’une tentative de passage en Angleterre en même temps que le père de notre ami Jean Bernard ; il a choisi de se donner la mort. Lapierre est mort du typhus à Dachau, où il  a rencontré Jean Estève, alors responsable Éclaireur en Provence. Nous reprenons ci-après quelques extraits des mémoires de Louis François et du témoignage que Jean Bernard nous a donné pour l’ouvrage « Une jeunesse engagée ».

 

 

Extraits du discours de Jean Zay :

 

 

Le scoutisme et l’école

Ma présence ici ce soir a une signification que je veux signaler. Elle est destinée à marquer que les petits malentendus, les légères incompréhensions qui, à l’origine, avaient pu parfois exister entre le Mouvement scout et l’Université, sont définitivement dissipés. Aucun de nos maîtres ne peut plus continuer à considérer vos chefs et cheftaines comme des concurrents qui détourneraient les élèves de leurs occupations sérieuses pour les transformer en je ne sais quelles meutes hurlantes. Mais de votre côté aussi, je l’espère, aucun d’entre vous ne peut plus voir dans vos maîtres ce que l’on appelait irrespectueusement les « vieilles barbes » fermées à la vie joyeuse et saine du plein air… Vous savez maintenant que nos professeurs, nos instituteurs sont capables aussi de marcher, de  sauter, de courir, de grimper. Vous savez qu’ils obéissent à la même devise que vous, « Servir », et, sans doute, qu’ils accomplissent aussi leur B.A., leur bonne action par jour. Du reste, vous en avez connu plus d’un qui vous accompagnait dans vos randonnées et partageait vos jeux et vos travaux,  camarade aussi cordial qu’il était, la veille, maître vigilant. C’est qu’en effet, loin de se combattre, le scoutisme et l’école poursuivent des tâches convergentes.

 

Le scoutisme et la compréhension de l’âme de l’enfant

… Vous avez mis en pratique des méthodes d’éducation dont l’efficacité n’est plus à démontrer et dont la simplicité n’est pas le moindre mérite. Ce qui fait la valeur de la pédagogie scoutiste, c’est qu’au lieu de combattre ce qu’il y a de spontané chez les enfants, elle l’utilise et le développe.

Éduquer en utilisant les aptitudes naturelles, c’est aussi ce que nous essayons de réaliser sur un autre plan et dans une autre sphère. Nous voulons, dans toute la mesure du possible, un enseignement qui fasse appel à l’initiative d’un élève, à son esprit d’observation, qui lui permette, sous une direction avisée, de découvrir par lui-même ce qu’il s’agit de lui apprendre. Nous voulons que les classes soient le plus souvent une collaboration entre le maître et l’élève, un dialogue plus qu’un cours. Nous voulons développer, comme vous, le travail par équipes…

 

Le scoutisme et les loisirs

Je vois que beaucoup sourient lorsque je parle de surmenage scolaire. Je sais que vous savez vous défendre assez bien vous-mêmes contre ce péril ; j’admettrais même que l’élève paresseux soit plus joyeux que l’élève surmené. Il n’en reste pas moins que l’enseignement doit se délivrer dans la joie. C’est pourquoi nous nous préoccupons d’un allègement des programmes qui, sans compromettre en rien le caractère de haute culture qui fait l’originalité et le prestige de l’enseignement français, permettra aussi de sauvegarder cet imprescriptible droit, ne disons pas à la paresse, mais aux loisirs, plus essentiel pour la jeunesse que pour quiconque.

Et si l’on m’objecte que l’enfant ne sait pas utiliser ses loisirs, je répondrai que vous avez, Messieurs, démontré le contraire d’une façon éclatante.

 

Le scoutisme et la paix

Le scoutisme représente, à coup sûr, un frappant et magnifique exemple d’esprit démocratique, et, s’il existe chez vous des chefs, nous savons bien qu’ils ne tiennent pas à ce prestige presque surhumain – comme nous voyons ceux qui nous entourent – mais que ce sont pour vous des camarades qui partagent votre vie et vos occupations, qu’ils commandent par la persuasion et non par la force, que ce qu’ils vous enseignent ce n’est pas l’art cruel de la guerre, c’est l’amour du prochain, c’est la grande loi de la solidarité humaine, c’est la volonté résolue de la paix, c’est à dégager, par-delà les frontières, une communauté de jeunes qui se manifeste avec éclat dans les réunions internationales que vous appelez, je ne sais trop pourquoi mais le mot a une sonorité joyeuse et claire qui me plait, des « jamborees ».

 

 

 

Extrait des mémoires de Louis François :

 

 

« Rémy m’avait demandé de lui trouver le journaliste (…). Au collège Sévigné, alors que j’enseignais la géographie en classe de philosophie, j’avais comme collègue chargé de l’histoire Pierre Brossolette. Agrégé d’histoire, il avait abandonné l’enseignement pour se lancer dans la politique et le journalisme, où il avait brillamment réussi. La catastrophe de 40 l’avait ramené à un rôle moins brillant : la gestion d’une librairie et l’enseignement dans un collège non seulement libre, mais aussi libéral. J’attendis Brossolette à la sortie d’un cours. Nous descendîmes ensemble le boulevard saint-Michel ; le trajet suffit pour le décider à accepter cette tâche nouvelle. C’est ainsi que, en novembre 1941, il devint à Paris l’antenne de la radio française libre de Londres. (…)

 

Brossolette, toujours socialiste, était impatient de voir de Gaulle se déclarer pour une politique plus libérale et sociale. En mars 1942 il décide de s’envoler pour Londres pour faire pression sur le Général. Il est certain que Brossolette a profondément inspiré le discours prononcé en août 1942 à l’Albert Hall et qu’à partir de ce moment il est devenu une figure de proue de la Résistance. (…) Il était malsain pour lui de revenir à Paris et Rémy me confia son service. (…)

 

C’est seulement après la guerre que j’ai appris que notre réseau portait le nom de Confrérie Notre-Dame (C.N.D.). Passant devant Notre-Dame des Victoires, Rémy, catholique fervent (*), était entré dans l’église et avait dédié le réseau à celle qui présidait au-dessus de l’autel. Car j’aurais eu quelques scrupules à engager les instituteurs, laïques non moins convaincus, sous la bannière de Notre-Dame, fut-elle des Victoires. Ce qui s’est pourtant réalisé. «

 

(*) Louis François a barré « convaincu » pour le remplacer par « fervent »

 

 

Extrait du témoignage de Jean Bernard

 

pour l’ouvrage « Une jeunesse engagée »

 

 

 

« Plus haut, je fais allusion à l’arrestation de mon père.

 

Directeur Régional du Comptoir de Répartition des Conserves, il bénéficiait, en ces temps difficiles, de bien des avantages : voiture et essence, ausweis l’autorisant à circuler en toutes zones de jour comme de nuit, etc. Profitant de cette situation, il « travaillait » pour le service de Renseignements du Réseau C.N.D. Castille du Colonel Rémy.

 

Le 4 février 1944, un bateau de pêche, le « Jouet des Flots », parti la veille de Loctudy, à la barbe des Allemands, ramène en Angleterre des aviateurs alliés descendus par la D.C.A. allemande, et bien d’autres personnes qui, pour des raisons diverses, tiennent à mettre un peu de distance entre elles et l’Occupant.

Arrivé devant Audierne, le bateau fait naufrage. Les responsables du Réseau, alertés par des Résistants locaux, mettent tout en œuvre pour sauver les passagers.

 

C’est ainsi que, bien que n’étant pas du secteur “ Action ”, mais en raison des facilités dont il disposait, notre père est appelé par Monsieur Le Hénaff, conserveur et Résistant. À la sortie d’Audierne, au pont sur le Goyen, après plusieurs passages, la voiture est arrêtée à un barrage. Dans celle-ci, Pierre Brossolette (qui se suicidera à Paris, à la Gestapo, pour ne pas parler), le Lieutenant de Vaisseau Le Hénaff (qui décèdera debout, coincé entre ses compagnons, dans le wagon qui l’amenait en déportation), Bollaert, qui survivra à sa déportation et deviendra, à la Libération, Commissaire du Gouvernement en Alsace.

 

Déporté à Neuengamme, notre père y est décédé de la dysenterie le 5 janvier 1945. Quelques mois après, nous avons reçu la visite de Louis François, futur Président des E.D.F., compagnon de camp de notre père et qui, comme ses camarades survivants, faisait le tour des familles de disparus par solidarité. Le Colonel Rémy relate ce malheureux événement dans son livre “ la ligne de démarcation ”. »

 

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