1943 : Maria Couillens - Baccalerie

Mar04Mai201017:46

1943 : Maria Couillens - Baccalerie

 Maria COUILLENS - BACCALERIE a connu un parcours qui l’a conduite naturellement de ses activités à la F.F.E. et aux E.D.F. vers l’action sociale et la participation au "refuge". Pour cette dernière action, elle a reçu la médaille des Justes qu’elle a attribuée à son engagement scout.

 

 

Témoignage enregistré, extrait de l’ouvrage « Une jeunesse engagée »

« Entrée à la F.F.E. en 1931 où je suis restée jusqu’en 1939, je rejoins ensuite les Éclaireurs de France comme stagiaire. Je m’y occupe de la meute du Chèvrefeuille avec Jacqueline Petit, fille du commissaire départemental. Je termine mes études (B.S.) en août 40. Je pars « faire Cappy » en zone libre, à Saint-Rambert d’Albon dans la Drôme, en août 1941.

En octobre, je rencontre Mion Valloton chez les Duphil ; je n’ai pas de travail et elle me propose d’aller faire un stage à Écully, à côté de Lyon. Le gouvernement de Vichy veut ouvrir des « centres de jeunes travailleurs » pour occuper des chômeurs. Cette formation est, je crois, sous la responsabilité du Ministre de l’Éducation Nationale. Mion pense que, si nous ne nous y investissons pas, la formation sera entièrement assurée par des associations catholiques à forte tendance pétainiste. Elle me demande si cela m’intéresserait et, si oui, si je pourrais recruter quelques camarades dans mon genre …

C’est ainsi que, avec deux camarades de classe, j’opte pour une formation de trois semaines au Château d’Écully, demeure d’un soyeux lyonnais. Nous sommes traitées comme des reines, surtout du point de vue nourriture (alors que, partout ailleurs, règnent les cartes d’alimentation !). Nous avons des cours d’histoire, dont je garde une anecdote : la personne qui fait le cours nous dit que « dans l’enseignement primaire, on ne fait partir l’histoire de France que depuis la Révolution Française »… Je demande la parole : « pour moi, élève de l’école laïque, j’ai appris l’histoire de France depuis les Gaulois ». Réponse : « de votre époque… » J’ai vingt ans !.

J’interviens à nouveau : « ma sœur aînée, enseignante, fait l’histoire de France depuis les Gaulois ». Réponse : « certains sont honnêtes ! ». Je me lève et quitte la salle. À la fin de la session, deux sur trois sommes prises et affectées dans une équipe qui doit recruter sur Nîmes et sa région du personnel de formation, et trouver des locaux pour loger une session et un centre de jeunes travailleurs qui accueillera les chômeurs. Ce sera à Sumène. Ma camarade et moi sommes affectées à cette recherche. Je passe sur les détails …

Le travail terminé, toute l’équipe est reçue à la Préfecture par la personne morale dont nous dépendons… Je réintègre Toulouse où se sont ouverts deux centres de jeunes travailleuses, l’un rue Gambetta – « le Donjon », l’autre Cours Dillon – « l’Oustal ». En 42 ou 43, seul reste l’Oustal où je suis « trésorière ». Les jeunes chômeuses ont du travail donné par le Secours National et sont payées, si j’ai bonne mémoire, deux francs par jour.

Je reprends mes activités aux E.D.F. et monte une meute de Louveteaux, « la Waingunga », à l’école de la Jancasse où un instituteur, Monsieur Couillens, a monté une troupe, « la troupe du Feu » et un groupe qui s’appellera « groupe de l’Hers ».

Un matin, au Centre, une jeune travailleuse, Paula Shayevitz, juive d’origine polonaise, nous dit en arrivant : « mon père vient d’être arrêté ». Sa mère et sa sœur ont été recueillies par les Petites Sœurs des Pauvres après l’appel de Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse. Nous réunissons les cadres.

Je propose de demander à mes parents s’ils acceptent de l’héberger ; ils sont d’accord, malgré notre proximité avec la Feldgendarmerie et le siège de la Gestapo. Elle a seize ans ; mes parents la font passer pour leur plus jeune fille, qui a le même âge mais vit chez notre sœur aînée et elle a été sauvée. J’arrête mon récit.

Mais lorsqu’on m’a remis, cinquante ans après, la médaille des Justes, j’ai écrit que c’est au nom de l’Idéal Éclaireur que j’ai agi ainsi. Je pense que ce sont mes parents qui auraient dû la recevoir."

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