1958 : Routes Nouvelles reparle de démocratie

Sam09Mar201308:50

1958 : Routes Nouvelles reparle de démocratie

... au plan théorique et au plan pratique.

 

Une dizaine d'années après les « résolutions d'Angoulême » proposant l'instauration d'un fonctionnement démocratique à tous les niveaux du Mouvement, la revue des responsables aborde deux questions fondamentales : qu'est-ce que la démocratie ? comment la faire vivre concrètement ?

On peut penser que ces questions auraient dû être posées dès le début, et elles l'ont certainement été, mais une nouvelle étape est abordée à partir du constat des difficultés à mettre en œuvre cette intention. S'il est facile de résoudre le problème au plan « formel » – élections des instances dirigeantes, vote des décisions, etc… – le passage à l'acte dans l'activité de tous les jours, dans toutes les branches, s'avère plus difficile.

Le sujet est abordé dans deux numéros successifs de Routes Nouvelles, deux rédacteurs se partageant la tâche :

– Yvon Tarabout, universitaire membre du C.D., traitera du premier sujet :

 

 

À partir de quelques questions simples – comment un peuple peut-il se gouverner lui-même, comment déléguer démocratiquement le pouvoir, comment ces principes de base fonctionnent-ils chez nous – Tarabout met l'accent sur quelques points quelquefois un peu oubliés : « la démocratie, une technique qui s'enseigne » ; « si la démocratie se mérite et s'acquiert, c'est qu'elle n'est pas une grâce naturelle » ; « la démocratie n'est pas la négation de toute autorité (ça, c'est l'anarchie), mais l'exercice de l'autorité selon des règles particulières » (passages soulignés). En découlent les conséquences pour les branches :

– « à la meute, on enseigne la solidarité. Et contre les parlotes, il y a le mythe des bandar-logs » : « on peut déjà habituer les enfants à prendre des décisions collectives, à parler chacun à son tour, à se soumettre à une décision commune »… et « aucune action ne peut sortir de parlotes perpétuelles ou désordonnées. » (Cette dernière affirmation ne concerne-t-elle que les louveteaux ?)

– « à la troupe, les chefs sont des mandataires qui veillent au maintien de la constitution » : « l'apprentissage de la démocratie confinera souvent à l'exercice d'une démocratie véritable. »

– « c'est à la Route qu'on prend le maximum de risques » : « l'apprentissage de la démocratie se confondra avec l'exercice de la démocratie, en y mettant le maximum de réalités et de risques à courir. Il s'agit de choses sérieuses où chacun et chacune doit se sentir personnellement engagé, où il y a de l'argent à gagner ou à perdre, où il y a des positions officielles à prendre en face des pouvoirs constitués, où les entreprises à réaliser doivent pouvoir soutenir la comparaison avec tout ce qui es proposé ailleurs »…

Au total, « cet aspect éducatif de la démocratie n'en est pas le moins négligeable, parce que les démocrates ne se perpétuent que par ce moyen. (...) La démocratie des E.D.F. est vivante, mais cette constatation rassurante ne doit pas nous faire oublier que cette démocratie, si parfaite soit-elle, ne sera conservée, et peut-être un jour sauvée, que si chacun de nous en fait sentir constamment à ses cadets la caractère précieux et fragile : peut-être fallait-il le redire. »


 

– Jacques Bador, responsable national Route et rédacteur en chef de Routes Nouvelles, abordera la mise en œuvre au quotidien dans toutes les branches :


 

« Il n'est d'éducation qu'individuelle. Toutes les activités que l'on peut inventer dans un groupe de jeunes sont des moyens pour faire progresser un certain nombre de garçons et de filles et ces moyens perdent 80 % de leur efficacité si l'on se contente de faire marcher “ le groupe ” sans s'occuper de savoir comment chaque personnalité s'intéresse à ce qui est fait, en profite ou n'en profite pas. (...). La démocratie est une pédagogie, c'est-à-dire une série de moyens, pour amener garçons et filles à s'exprimer, à se former le jugement et le caractère, à respecter les autres. »

 

S'en suivent des conseils pratiques pour « faire du travail sérieux », pour « amener les gars et les filles à assumer ou à partager leurs responsabilités », pour analyser les résultats « sans y mettre d'esprit de critique à l'égard de tel ou tel »…

(Remarque de lecteur : alors que nous sommes en 1948, où le Mouvement n'a pas encore annoncé son choix de la coéducation, les filles ne sont jamais oubliées dans l'un ou l'autre de ces textes !)

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