1980 et la suite : des témoignages de responsables nationaux - Dominique Girard, militant permanent à partir des années 80…

Ven19Avr201307:11

1980 et la suite : des témoignages de responsables nationaux

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Cette contribution, qui couvre plus de trente ans, est particulièrement importante car elle est celle d’un militant « de base » prenant, successivement, des responsabilités dans divers compartiments de notre activité, depuis un groupe local jusqu’à l’échelon national. C’est donc, simultanément, un film documentaire sur l’évolution « globale » du Mouvement.

Entretien téléphonique

« Une anecdote pour commencer : j’ai croisé les EEDF il y a 34 ans, j’avais 16 ans. J’y suis entré pour les beaux yeux d’une fille. À l’époque, j’étais membre des Scouts de France depuis quelques années déjà, mais… ils n’étaient pas mixtes !

Première étape : le groupe de Chalon-sur-Saône. En 1976, je débute comme jeune responsable, en parcourant les branches au gré des années. Fort de plus de 200 adhérents, renforcé d’“ extérieurs ” au moment des camps, ses activités sont très régulières, avec des réunions le mercredi, des week-ends, des camps en France mais aussi à l’étranger. Le responsable du groupe, Daniel Auduc, deviendra, successivement, responsable international puis Délégué général. La taille et les activités du groupe devenant importantes, il m’est proposé de devenir permanent local au travers d’un contrat aidé. Mes activités couvrent aussi d’autres communes du département, en particulier le Creusot. En 1979, le groupe de Chalon ouvre ses activités à un petit nombre de personnes handicapées mentales. L’accueil s’élargit : une soixantaine de campeurs à Pâques à Chardonnay, 200 durant l’été 1980 répartis sur 10 séjours … Un services vacances est né, aux côtés du groupe local. Je choisis donc, au début des années 80, d’en faire mon métier. Je deviens le “ directeur ” d’un service vacances qui rapidement recevra un millier de participants. Je conserve mes engagements dans le groupe, au département Saône et Loire, à l’équipe régionale de Bourgogne et auprès de l’équipe internationale EEDF. À cette période aussi nous créons un des premiers conseils municipaux de jeunes, à Chatenoy le Royal. J’en assure, pour les Éclés et la commune, le secrétariat général.

Deuxième étape : les services Vacances. En 1986, François Daubin et Roland Daval, respectivement Délégué général et Secrétaire général du Mouvement, ont à traiter des restructurations de services vacances, et, en particulier “ Vacances Actives ”, implanté à Annecy. Ils me demandent de reprendre en charge l’activité enfants-adolescents, séjours France et étranger et la gestion du terrain de Saint-Jorioz. D’abord hésitant, j’ai fini par accepter le défi, permettant ainsi de diversifier l’offre du service de Chalon. Ce fut une véritable aventure de redresser cette activité, en particulier de développer l’accueil sur ce site en bord de lac. De la folie, en ouvrant aux groupes locaux, à des séjours vacances, à des familles, aux centres de loisirs d’autres associations sur des projets voile montagne, nous pouvions atteindre 700 campeurs sur ce centre d’accueil et de vacances. En revivant cette période je pense avec tendresse aussi à “ Cascade ”, Claire Mollet, qui avait bien connu Saint-Jorioz et qui m’a prodigué quelques conseils de vie !

Notre service vacances, avec ses actions de formation, son activité en direction des personnes handicapées, ses séjours enfants-ados, l’accueil à Saint-Jorioz c’était plus de 3000 usagers-adhérents, 50 000 journées d’activités, une centaine de camps et séjours. La prise de risque était cependant permanente avec souvent un sous-équipement par rapport aux effectifs accueillis ! Mais la volonté, le dynamisme porté par des centaines de bénévoles et volontaires rassemblés progressivement autour des projets permettaient de franchir les orages.

Troisième étape : l’échelon national, le Secrétariat Général. En 1989, Roland Daval devient Délégué général et me demande de le rejoindre pour lui “ succéder ” au poste de Secrétaire général. Honoré, surpris, j’hésite cependant une nouvelle fois pour des raisons plus familiales et de choix de vie, s’installer à Paris. Je fais le pas, soutenu par ma famille.

Il est bien difficile de conter et compter huit années de Secrétaire général. Nous avons été confrontés à des choix et des enjeux importants pour la vie du Mouvement. Je pense au changement de siège social (les propriétaires du siège historique, Chaussée d’Antin, nous avaient donné congé), la mise en place des systèmes informatiques, d’une politique immobilière, la restructuration des services Vacances, l’apurement de quelques situations, l’assainissement de la situation financière globale et l’obligation d’intégrer les comptes (l’apparition du commissaire aux comptes)… La vente d’une partie de notre domaine foncier, libéré d’activités, et une bonne gestion permettront avec le temps de donner aux EEDF une situation économique solide. Un autre type d’enjeu apparaît : la “ professionnalisation ”. La récente convention collective, 1990, précise des droits et des devoirs en mettant fin à une situation de salariés-volontaires-permanents-engagés. C’est une évolution inéluctable qui va modifier dans le temps les rapports bénévoles-salariés. Nous allons devoir gérer notre schizophrénie, celle de militants attachés aux progrès sociaux, tout en défendant les intérêts d’un employeur associatif, associatif mais employeur. Comme les autres associations de jeunesse et d’éducation populaire, nous sommes confrontés à une profonde évolution. À noter aussi à cette période, l’arrivée des “ emplois jeunes ”, qui viennent renforcer le nombre de salariés.

Quatrième étape : Délégué général. Roland Daval souhaite se retirer. Il faut, en 1998, choisir un nouveau Délégué général. Nous étions, a priori, plusieurs éligibles ; je pense en particulier à de “ vieux complices ” comme Patrick Volpilhac, membre de l’équipe nationale en charge du développement, ou Hervé Carré. Le choix s’est porté sur moi, avec un renouvellement en 2003.

Notre Mouvement a les forces et les faiblesses de sa diversité, combinant scoutisme proprement dit et activités ouvertes dont nos services Vacances. Nous nous inscrivons dans une période où nous nous efforçons de réaffirmer notre engagement dans le scoutisme, à partir d’une réflexion sur les méthodes, l’engagement, leurs outils (vote du texte d’engagement à l’A.G. 1998). Nous mettons l’accent sur notre originalité de scoutisme laïque. Être “ scout ” ne veut pas seulement dire être adhérent des EEDF, cela se vit, se pratique. Notre participation au Scoutisme Français, dont je suis d’abord trésorier, puis deux fois vice-président et enfin président, nous permet d’ancrer plus encore les EEDF dans l’univers du scoutisme, de le représenter avec notre sensibilité et nos valeurs.

En ce qui concerne la laïcité, je crois qu’il ne faut pas se gargariser du terme mais lui donner une traduction dans nos pratiques pédagogiques. Nous sommes un Mouvement d’éducation laïque utilisant les méthodes du scoutisme !

Que retiendra l’histoire de cette page qui va se tourner ? Un cycle de 30 ans, pendant lequel nous avons, les équipes successives, essayé de nous réattribuer une identité, celle d’un Mouvement de scoutisme moderne, adapté à son temps, mais un Mouvement de scoutisme. Ce ne fut pas facile, quelques fois à contre-courant d’essayer de faire vivre deux cultures, celle du scoutisme et celle dite de l’éducation populaire. Celle d’un Mouvement organisé, diffusant le même projet, et celle d’un réseau aux fonctionnements et méthodes pluralistes.

Le scoutisme est notre métier, notre raison d’être. Toute tentative de conduire l’association vers je ne sais quelle posture s’en éloignant, s’éloignant de ses codes serait destructrice. Se gausser d’être un Mouvement d’éducation populaire, un mouvement éducatif engagé et de résistance et de n’être plus dans l’action pédagogique nous conduirait dans le mur. Les EEDF termineraient à quelques centaines de militants, signant manifestes et communiqués, organisant colloques et journées d’études… N’être plus que dans la prestation de service et l’action vide de sens ? Nous terminerions avec quelques ateliers de proximité qui disparaîtraient très rapidement car ce n’est pas notre vocation, ni notre savoir-faire. Nous sommes des scouts, des scouts laïques mais des scouts !

Un subtil dosage qui s’appelle éducation par l’action en affirmant haut et fort une méthodologie qui est celle du scoutisme, en donnant aux jeunes des terrains d’engagement qui ont du sens, sur la base de principes et de valeurs. C’est à quoi se consacrent les générations de militants depuis bientôt 100 ans.

Parmi nos préoccupations j’ai particulièrement œuvré à réaffirmer notre complémentarité à l’école publique : l’association a les moyens de proposer des projets porteurs de sens dans la formation du citoyen sans se substituer aux enseignants, en grande proximité à l’école, selon nos savoir-faire. De même j’ai cherché à développer les “ partenariats ” avec des collectivités territoriales, en particulier les régions, considérant que pour les EEDF il s’agissait d’un vecteur essentiel de développement et de… financement, l’État se désengageant progressivement et d’une manière irréversible. La “ déconcentration ” – ne parlons pas de “ décentralisation ” puisque nous restons une association nationale et non une fédération – est une nécessité, elle renforcera le pilotage territorial dans l’esprit de ces partenariats. Une des pistes en cours d’expérimentation dans cet esprit est celle des “ unités projets ”, qui reprennent l’idée des “ patrouilles libres ” en créant une structure locale plus légère que celle d’un groupe. L’expérimentation en Seine Saint-Denis est un exemple à modéliser.

Tous nos efforts, qu’ils soient sur le terrain des projets, petits et grands dont récemment Dimbali, sur les terrains éducatif et pédagogique, social et administratif ont servi un seul but, le développement, faire que plus d’enfants et de jeunes puissent bénéficier de cette merveilleuse aventure du scoutisme. Force est de constater que ce résultat est en partie atteint puisque le dernier plan d’action, après des années de pertes, a vu le nombre de nos adhérents progresser tant du côté de nos groupes que du côté de nos services Vacances.

Quand je regarde dans le rétroviseur je ne peux m’empêcher de citer quelques réalisations dont je suis particulièrement fier :

– l’extension, grâce à notre action, du contrat d’engagement éducatif aux séjours adaptés (si nous n’avions pas eu gain de cause, nous aurions connus de très graves difficultés),

– la célébration du centenaire de la Loi de séparation des églises et de l’État en 2005 (laïcité),

– la célébration du centenaire du Scoutisme, nous sommes restés fermes sur notre identité,

– les premiers accueils de volontaires associatifs,

– la création du “ passeport d’engagement ”, depuis repris et développé par d’autres organisations,

– la “ charte qualité ”, les certifications communes sous pilotage EEDF des formations des associations de scoutisme,

– la définition de formations et certifications pour les encadrants vacances adaptées (nous sommes précurseurs),

– la caravane de la Paix,

– l’ouverture des 18-25 ans,

– “ Traces d’étoiles ” et “ Hors Pistes ”,

– la rénovation des propositions pédagogiques pour les Aînés et les Louveteaux,

– les projets Cheynendo et Terres d’Aventures,

– Dimbali, l’association se mobilise pour la planète,

– Bécours, les projets, les camps, la rénovation, le rassemblement  Bécours 2004,

– le développement de la communication numérique,

– les prises de position, les manifestations, contre le CPE, contre le fichier “ EDVIGE ”, pour l’éducation, pour la laïcité, le deuxième tour des présidentielles 2002…

– la mise en place des campagnes d’appels à dons,

– le fichier et maintenant la comptabilité en ligne,

– une situation économique saine permettant de faire face à nos projets et responsabilités sociales,

– des comptes enfin certifiés par le commissaire aux comptes,

– l’ouverture de la préparation du projet Centenaire des EEDF.

Il n’empêche qu’une réforme démocratique et fonctionnelle des EEDF reste urgente pour inscrire notre histoire dans la durée, puisque selon notre article 1 des statuts, … illimitée.

Je dois beaucoup à notre Mouvement qui m’a beaucoup donné. J’ai fait ma promesse en 1976, je l’ai confirmée en 2007, lors du centenaire du scoutisme. Elle a guidé mon engagement. J’ai toujours essayé de faire de mon mieux, pour l’intérêt collectif. Cette promesse continuera à guider ma vie. »

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