1911 : Les débuts du scoutisme masculin : premières expériences - Pierre Bovet

Jeu15Avr201015:42

1911 : Les débuts du scoutisme masculin : premières expériences

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Pierre BOVET « junior » nous raconte que son grand-père a traduit B.P.…

Rencontré à l'occasion du rassemblement régional du Centenaire de Montpellier en 2007, Pierre Bovet nous raconte que son grand-père, dont il porte nom et prénom, a traduit "Scouting for boys" et quelques autres ouvrages de B.P. Il nous apporte quelques informations sur le contenu de ces textes.

... et ajoute quelques commentaires d'actualité :

"Je vous remercie beaucoup de votre message. Il y a longtemps que je cherchais à avoir un contact avec le scoutisme à l'occasion de son centenaire pour dire un mot du travail que mon grand-père, et homonyme, a consacré à ce mouvement.

Pierre Bovet (1978-1965), pédagogue et psychologue suisse, est l'auteur de plusieurs ouvrages dont le plus fameux, intitulé "l'instinct combatif" montre comment cette donnée de l'espèce humaine, spécialement présente chez les adolescents, peut être sublimée pour être mise au service de l'éducation civique et morale (1e éd. 1917; 2e éd. 1928; 3e éd. 1961, traductions en anglais, arménien, grec, italien, polonais).

C'est donc en véritable spécialiste que Pierre Bovet s'est très vite intéressé au scoutisme et en a été un grand défenseur. C'est lui qui a écrit la traduction française de la bible du scoutisme "Scouting for boys" de Lord Baden-Powell, traduction publiée sous le titre "Éclaireurs" par les Editions Delachaux et Niestlé à Neuchâtel dès l'apparition du scoutisme en France, révisée et rééditée à de nombreuses reprises tout au long des révisions de l'oeuvre originale (j'ai, par exemple, entre les mains, la 7ème édition de la traduction, parue en 1932, qui correspond à la 15ème édition de l'original. Je n'ai pas de date pour la première édition de la traduction mais la seconde est datée de mai 1914).

A noter que Pierre Bovet est également le traducteur de Baden-Powell pour le "Livre des louveteaux" et pour le "Guide du chef scout".

Outre ce travail de traduction, Pierre Bovet a écrit un petit ouvrage de 39 pages portant ce titre impressionnant : "Le génie de Baden-Powell". Cet ouvrage, paru en 1921 a été réédité en 1922, 1943 et 1946, et a été traduit en allemand et en italien. C'est une analyse des apports de Baden-Powell réalisée à l'aide des données de la psychologie. Parmi les idées fortes que l'on peut trouver dans ce travail je n'en relèverai que deux ici :

  • 1) Pour former des hommes "de devoir" il est très important qu'il y ait des consignes morales "larges et précises à la fois" et cela est précisément le rôle de la Loi de l'éclaireur.

Mais pour que ces consignes soient reçues il est indispensable qu'elles soient données par quelqu'un qui soit naturellement respecté. Or, "à qui va l'admiration spontanée d'un gamin de douze ans ? A un savant ? - Que non pas. A un saint ? - Nenni. Elle va à un garçon un peu plus grand et plus fort que lui et qui possède certaines qualités auxquelles la plupart de ceux qui ont pris en main son éducation n'ont jamais songé " (op.cit. p.16).

  • 2) La compétition tient une grande place dans le système scolaire. Mais elle y apporte avec elles des attitudes négatives comme l'égoïsme, la tricherie ou le découragement des plus faibles.

Comment garder les bénéfices de la compétition sans ses inconvénients ? Le principe appliqué par Baden.Powell est extrêmement simple ! Il faut donner une grande place à la compétition (presque tous les jeux d'éclaireurs ont le caractère de concours) en évitant toute récompense extrinsèque à l'activité mise en jeu (prix, obtention d'une place ou d'un rôle dans la patrouille...). L'idée est ici tout simplement de "reconnaître la satisfaction immédiate et intrinsèque, le plaisir naturel et intense que l'enfant trouve à se mesurer avec ses camarades" (pp.28-29).

Cependant, après avoir lu certains des textes que vous avez rassemblés sur le site dont vous avez eu la gentillesse de me communiquer l'adresse, je tiens à mentionner un point supplémentaire touchant à la personne de mon grand-père, à son oeuvre et à sa connaissance du scoutisme historique. Pierre Bovet était croyant. Issu d'une famille protestante, piétiste même a-t-on pu dire, il a été secrétaire de l'Association chrétienne suisse d'étudiants en 1900 puis Secrétaire de la Fédération française des étudiants chrétiens les deux années suivantes à Paris. Et, au sein de la famille, je l'ai toujours vu respecter le bénédicité à table et se rendre au temple le dimanche. Plus encore, dans son travail même d'universitaire, il a porté son attention sur l'éveil du sentiment religieux dans un livre ("Le sentiment religieux et la psychologie de l'enfant") publié en 1925, revu et réédité en 1951, et traduit en anglais, italien et slovaque.

Or, et c'est là le point important où je veux en venir, dans son livre "Le génie de Baden-Powell" Pierre Bovet n'assimile aucunement les valeurs morales auxquelles le scoutisme originel se rattache à des valeurs religieuses. Et dans les nombreuses facettes du scoutisme qu'il décrit il n'évoque aucune croyance, aucun symbole ni aucun rite religieux qui lui serait attaché. Enfin, cela va sans dire mais cela va mieux en le disant, Pierre Bovet n'indique nulle part dans son livre que le scoutisme est réservé aux croyants ou bien que l'un des rôles du scoutisme est d'éveiller les non-croyants à la foi.

Je vous raconte tout cela en songeant, bien entendu, entre l'incompatibilité voulue par un certain scoutisme catholique entre lui-même et le scoutisme laïque. Et, d'après un des textes que vous rendez accessibles sur votre site, cette incompatibilité voulue se réclame de la parole de Baden-Powell lui-même. De fait on retrouve dans cet "Éclaireurs" traduit par mon grand-père un paragraphe de B.P. touchant à la religion (pp. 316 à 318 dans mon édition). Et dans ce passage une phrase - une seule - peut être interprétée comme un souhait visant à établir un lien entre scoutisme et religion: "On attend (c'est moi qui souligne) de chaque éclaireur qu'il se rattache à une confession religieuse et qu'il en suive les cultes". Ah comme cette attente est curieuse... Est-on en droit de l'interpréter comme un impératif ? Mais vous connaissez tout cela par coeur et je crains de vous avoir un peu ennuyé avec cette exégèse des écrits de mon grand-père. Si ce n'est pas le cas, je reste à votre disposition pour poursuivre nos échanges."

Pierre Bovet Jr (comme signent les anglo-saxons), Chercheur et Professeur en Psychologie à la retraite.

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