2021 : les Astrales : de la F.F.E. N à la Résistance et la déportation

Ven13Nov202010:34

2021 : les Astrales : de la F.F.E. N à la Résistance et la déportation

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2021 : les Astrales : le parcours de Denise Vernay-Jacob

 

Le lien : https://fr.wikipedia.org/wiki/Denise_Vernay

Denise Vernay, née Denise Jacob le 22 juin 1924 à Paris et morte le 4 mars 2013 à Paris, est une résistante française.

Arrêtée en 1944 pendant qu’elle transportait deux postes émetteurs et des finances pour le maquis des Glières, elle est torturée par la Gestapo puis déportée à Ravensbrück. Rescapée, elle s’engage pour témoigner sur la résistance et la déportation. Elle est la sœur de Simone Veil.

Biographie

Enfance

Denise Jacob est la fille d'André Jacob, architecte, et d’Yvonne Steinmetz. Elle est la deuxième fille de leurs quatre enfants : Madeleine (surnommée « Milou »), Jean et Simone, qui deviendra plus tard Simone Veil. Sa famille quitte Paris lorsqu’elle a six mois pour s’installer à Nice.

Au lycée, sous l’Occupation, elle inscrit au tableau noir avec une camarade les mots d’ordre et messages diffusés par la radio de Londres et diffuse des tracts. Elle est éclaireuse puis cheftaine à la section neutre de la Fédération Française des Éclaireuses, branche du scoutisme laïque, et est totémisée Miarka. En 1941, elle obtient les baccalauréats de philosophie et de mathématiques.

Participation à la Résistance intérieure française

À l’automne 1942, alors que les rafles d’étrangers juifs s’intensifient, elle rejoint l’Union générale des israélites de France à Nice, et y aide à cacher des enfants et parents juifs.

En juillet 1943, alors qu’elle est en camp de cheftaines éclaireuses avec sa sœur aînée Milou, leur père les avertit de l’intensification des rafles. Denise décide alors d’entrer en contact avec la Résistance. Hébergée dans un premier temps par les parents d’une camarade cheftaine, elle est mise en contact avec le mouvement Franc-Tireur. Elle devient agent de liaison au sein du mouvement lyonnais à 19 ans, en octobre 1943, sous le nom de code de Miarka, son nom de totem aux éclaireuses. Elle reprend alors la mission de Nicole Clarence, qu'elle avait connue via les Éclaireurs de France. D’octobre 1943 à mai 1944, elle se charge à bicyclette de glisser du courrier clandestin dans les boîtes aux lettres du centre-ville de Lyon et de diffuser le journal clandestin Franc-Tireur.

Le 18 mars 1944, elle rend visite à sa famille à Nice pour les 21 ans de Milou. Les membres de sa famille sont arrêtés et déportés dix jours plus tard comme juifs. L’annonce de cette nouvelle la conduit à demander des missions plus risquées dans la Résistance et à vouloir rejoindre un maquis.

Au début du mois d’avril 1944, elle quitte Lyon pour Annecy et devient agent de liaison des Mouvements unis de la Résistance en Haute-Savoie, sous le nom de Annie. Elle se porte volontaire pour récupérer en Saône-et-Loire deux postes émetteurs et des subsides qui y ont été parachutés, pour les acheminer vers le maquis des Glières. Elle effectue alors 240 km à bicyclette jusqu’à Cluny, où elle récupère les postes émetteurs et les finances, et les achemine en taxi jusqu’à Caluire, où elle est hébergée par une cadre de la Fédération Française des Éclaireuses, Reine Bruppacher. Le lendemain, le 18 juin 1944, alors qu’elle est en route pour déposer le matériel à la gare d’Aix-les-Bains, son taxi est arrêté par une milice de la Gestapo entre Bourgoin et La Tour du Pin. Elle est conduite au siège de la Gestapo de Lyon, place Bellecour, où elle est torturée par les hommes de Klaus Barbie et est soumise au supplice de la « baignoire ».

Déportation

À la suite de son arrestation, Denise Jacob est incarcérée dix jours au fort de Montluc, puis à Romainville et au petit camp de Neue-Bremm, avant d’être déportée au camp de Ravensbrück, où elle arrive le 26 juillet 1944. Bien que juive, elle est déportée comme résistante, contrairement aux autres membres de sa famille. Au camp de Ravensbrück, malgré sa propre fatigue, elle prend volontairement à plusieurs reprises la place de camarades polonaises exténuées par les expériences médicales, pour endurer à leur place les interminables appels. C’est Germaine Tillion, dont elle fut l’amie et par la suite la secrétaire à l’École des hautes études en sciences sociales (ex-École pratique des hautes études), qui en témoigne. Elle a également pour camarades de déportation Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Noëlla Rouget.

Le 2 mars 1945 elle est transférée à Mauthausen dans un convoi de déportées « Nuit et Brouillard » (NN) destinées à être exterminées. Elle est finalement libérée par une délégation de la Croix-Rouge internationale le 21 avril 1945.

Ses parents et son frère, déportés comme juifs, sont assassinés dans les camps. Sa sœur Milou meurt peu après son retour de la déportation dans un accident de voiture, sa sœur Simone Veil survit.

Témoin de la déportation

En 1947, elle épouse Alain Weill dit Alain Vernay (1918-2015), résistant, journaliste, conseiller économique, avec qui elle a trois enfants et sept petits-enfants.

Tout au long de sa vie, elle participe à perpétuer la mémoire de la Résistance et de la déportation. Elle est membre active de l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance (l’ADIR), puis participe à la création de la Fondation pour la mémoire de la déportation aux côtés de camarades de déportation : Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Marie-José Chombart de Lauwe ou Anise Postel-Vinay. Elle participe aussi aux recherches sur l’histoire du camp de Ravensbrück avec l’ethnologue Germaine Tillion, qu’elle avait rencontrée en déportation.

Elle meurt à Paris le 4 mars 2013, à l’âge de 88 ans.


Denise JACOB-VERNAY

et Simone JACOB-VEIL                        

Extraits de l’ouvrage « Une jeunesse engagée »

Denise et Simone Jacob ont été toutes deux arrêtées et déportées, Denise pour fait de Résistance et Simone pour son appartenance. Leur parcours est évoqué par l’ouvrage « Les Combattantes de l’Ombre, histoire des femmes dans la Résistance » de Margaret Collins Weitz, édité chez Albin Michel en 1997 et dans « Éclaireuses pendant la guerre », de Denise Joussot, édité chez Mario Mella en 1999.

« Dans la France d’avant 1939, femmes et jeunes filles ne se voyaient accorder qu’un minimum d’indépendance. (…) Avec la guerre cependant, l’emprise des conventions se relâcha : quantité de familles éclatèrent, le père étant prisonnier de guerre ou réfractaire, les jeunes filles forcées, pour des raisons financières, de prendre un travail beaucoup plus tôt qu’elles ne l’auraient fait en temps normal. On leur consentit souvent une autonomie qui eût été impensable quelques années auparavant.

D’aucunes, comme Denise (Jacob) Vernay, découvrirent qu’il fallait payer le prix de cette liberté acquise en travaillant pour la résistance. Denise, un des nombreux agents de liaison à opérer en solitaire, était la sœur de Simone Veil. Juive, la famille Jacob ne pratiquait pas. Le père, architecte dont plusieurs programmes avaient été primés, se situait politiquement dans les rangs du Centre droit. La mère inclinait plutôt pour le Front Populaire. En 1925, ils quittèrent Paris pour s’installer à Nice où Monsieur Jacob espérait élargir sa clientèle. Bien que la région fût occupée par les Italiens depuis les premiers temps de la guerre, il lui fallut déchanter devant la multiplication des mesures antisémites.

Denise et Simone choisirent d’entrer chez les Éclaireuses, groupement scout laïque, plutôt que chez leurs équivalents juifs. Pour Denise, comme pour d’autres Résistantes, cette formation se révéla extrêmement utile. Aînée de trois sœurs, elle décida de se rendre à Lyon pour s’engager dans la Résistance. Grâce à l’une de ses cheftaines, elle avait obtenu un rendez-vous avec un des membres du Mouvement. En 1943, à l’âge de dix-neuf ans, Denise fut donc enrôlée en qualité d’agent de liaison par Franc-Tireur, mouvement qu’il ne faut pas confondre avec les groupes F.T.P. (Francs-tireurs et partisans) organisés par le P.C. La jeune femme porta divers pseudonymes et changea fréquemment d’adresse. Elle habita longtemps seule une ville qu’elle ne connaissait pas.

« Vous n’imaginez pas à quel point l’activité d’agent de liaison vous oblige à développer votre mémoire. Pour commencer, vous changez tout le temps d’identité. Ce qui implique des noms différents, des adresses et des cartes d’identité différentes. Arrêté, questionné, vous devez vous rappeler tous les détails de votre identité du moment. Cela sans compter les nombreux messages qu’il fallait mémoriser. Les mettre par écrit aurait été trop dangereux »…

En 1944, la famille Jacob tout entière, sauf Denise, fut arrêtée parce que juive. Déportés, ses membres allèrent de camp en camp. Ni les parents, ni leur fils ne revinrent. Denise, qui ne subit le même sort que plus tard, mais pour faits de Résistance, survécut, ainsi que ses sœurs. »

(Extrait de « Les combattantes de l’ombre »)


Mémoires de « Miarka », Denise Jacob-Vernay

« Nous étions quatre enfants, tous quatre dans le scoutisme : Jean chez les Éclaireurs après avoir été longtemps louveteau, et les trois sœurs chez les Éclaireuses. Milou, ma sœur aînée, était cheftaine de Nice IV, Simone était dans ma section et moi cheftaine adjointe à Nice VI, section « neutre ».

À la fin de juillet 43, j’avais tout juste 19 ans et j’étais à un camp de formation de cheftaines avec Milou. Papa nous a écrit qu’on commençait à arrêter les juifs français, qu’il valait mieux que nous ne rentrions pas à Nice et que nous essayions de nous cacher et de trouver du travail.

Milou a décidé de rentrer car elle était secrétaire chez des amis et son salaire aidait la famille à vivre. Une cheftaine de Grenoble (Chouka, je crois) m’a proposé une place de surveillante dans un couvent qui cachait déjà des juifs. J’ai refusé car je ne voulais pas me cacher, je voulais participer à  la résistance, à la lutte clandestine contre les Allemands.

Une autre cheftaine (Dorne ?) m’a alors emmenée chez ses parents près de Limoges où ils étaient eux-mêmes réfugiés. J’y fus très bien accueillie et j’y suis restée deux ou trois semaines, jusqu’à ce qu’une troisième cheftaine m’écrive que j’aille chez elle « qu’elle m’avait trouvé ce que je cherchais ». C’était Kikie Mathieu, institutrice à Saint-Marcellin, avec laquelle je m’étais fort liée au cours d’une « retraite neutre » de trois jours que nous avions faite ensemble. Ce n’était pas facile de trouver un joint pour entrer dans la Résistance puisqu’elle devait rester secrète… (…) Kikie m’a présentée à son ami « Doudou » qui lui faisait confiance. Il m’a fixé un rendez-vous et nous nous sommes retrouvés à Lyon où je n’avais jamais mis les pieds. Je n’avais d’ailleurs jamais quitté ma famille, sauf pour aller chez des amis ou avec les Éclaireuses.

Doudou, place des Jacobins, me présente à l’agent de liaison que je devais remplacer, ce pour quoi il m’avait engagé : « Annette, et vous ? » me dit-il. Prise au dépourvu, je réponds « Miarka ». Annette avait été la cheftaine louveteau de mon frère à Nice et nous nous connaissions, elle savait que j’étais une des trois sœurs Jacob ; à notre retour (elle aussi a été arrêtée et déportée), elle m’a dit ne pas savoir laquelle des trois j’étais ! (…). Manquant d’imagination, j’avais donné le nom de « Miarka », mon nom de guerre, car nous avions tous un surnom pour dépister les Allemands, et en déportation mes camarades ont continué à m’appeler ainsi, encore aujourd’hui. (…)

Les Éclaireuses ainsi ont véritablement encadré ma vie de Résistante ».

(Extrait de « Éclaireuses pendant la guerre »)


 

  

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