1980 et la suite : des témoignages de responsables nationaux - Jean-Pierre Lavabre, membre de l’équipe nationale depuis 2000

Ven19Avr201307:11

1980 et la suite : des témoignages de responsables nationaux

Index de l'article

Témoignage écrit

« Né en 1962, un an avant la création des E.E.D.F.. Actuellement (*) Délégué National au pôle Développement et communication. Rédacteur en chef des revues E.E.D.F., l’Équipée et Routes Nouvelles et ancien responsable du groupe de Béziers.

NDLR : en 2011

Marié (un couple qui ne s’est pas connu aux Éclés – et oui, cela arrive – mais Monsieur a rapidement convaincu Madame – qui était quand même animatrice de colonies de vacances – d’y adhérer et d’agir), deux enfants (Fabienne est étudiante à Paris et directrice de camp pendant les vacances au groupe de Béziers ; Marianne est lycéenne à Toulouse et jeune responsable d’animation au même groupe de Béziers).

Maîtrise de droit privé et d’études comptables. Diplôme d’études supérieures d’instituteur. Agent administratif au Cabinet du Maire de Béziers, puis instituteur dans l’Hérault, rapidement mis à disposition ensuite détaché auprès des Éclaireuses & Éclaireurs de France.

Petit parcours aventureux au sein de l’association…

Fils unique de parents qui n’ont pas connu le scoutisme (mon père a passé sa jeunesse dans une “ autre sorte de camp ”, en Allemagne, près de Weimar, à Buchenwald…). Un peu isolé question famille mais proche d’une cousine éclaireuse au groupe de Béziers… Je me suis donc retrouvé louveteau un dimanche de septembre 1971 (une sortie dans l’île de Tabarka, sur l’Orb, près de Béziers !) et j’y suis resté depuis. J’ai donc connu indirectement et inconsciemment les effets post-soixantuitards liés aux Assises d’Avignon : abandon du jour au lendemain de l’uniforme, de la promesse, de la totémisation (je ne suis pas totémisé et il est inutile désormais d’y songer !) avec, en corollaire, des divisions au sein du groupe (mais étaient-elles réellement liées à l’évolution nationale ?). Deux années de Louveteaux plutôt bien vécues, quatre années aux Éclés avec des souvenirs désormais devenus héroïques. À 15 ans, le choix dans le groupe est simple : Routier (ce n’était pas encore l’heure des Aînés) et (oui… j’ai bien écrit « et ») responsable à la branche Éclé. Bref, sorties tous les dimanches et camps à toutes les vacances. Un premier camp de responsable Éclé à 15 ans ½ comme… intendant de camp ! Des débuts difficiles pour une aventure parallèle entre les activités du Clan Destin et l’unité des Éclés.

Le Clan Destin, une aventure qui marque

Un groupe presque intergénérationnel (de 15 à 25 ans), où les aînés ne sont pas forcément tendres envers les plus jeunes (qui ne sont pas toujours bien dociles), où les activités se fondent dans la topographie locale : spéléo et escalade constituent le programme de base de l’année. Beaucoup de ski l’hiver et de nombreuses, très nombreuses activités aujourd’hui qualifiées d’autofinancement pour acheter et, surtout, entretenir un véhicule digne de ce nom. Une Renault Goëlette de 1962 ayant vécu une première carrière à La Poste remplacée en 1979 par un minicar Saviem militaire, conduit durant 10 ans par des générations de troufions avant de troquer sa robe vert armée pour un dégradé de bleus appliqué au rouleau. J’obtiens le permis en juin 1981 et quelques jours plus tard, je suis déjà au volant de ce camion qui rendra bien des services sur le chemin piégeux de Bécours 1981. Consommation d’essence (de l’essence, pas du gasole) qu’il vaut mieux ne pas mentionner de nos jours, remplacement régulier des monstrueux (surtout côté facture) pneus tout-chemin. Mais un véhicule qui nous a transportés à travers la France et l’Europe, avec le camp exceptionnel de 1982 en Yougoslavie : descente en radeaux de rivières au cœur du Monténégro, traversée de Mostar sous son célèbre pont… N’oublions pas aussi une autre “ aventure ” qui me rattrapera bien plus tard : la création d’un journal de clan… Le clan sera aussi mon atelier photo pratique, activité qui me poursuit encore. Si le théorique m’arrive par un club photo non EEDF, la pratique se fait chez les Éclés, ce qui passe aussi par un labo “ noir et blanc ” dans les toilettes du local !

Du clan à la Région…

À partir de 1984, c’est une longue infidélité (jusqu’en 2002) au groupe de Béziers : devenu en 1981 étudiant en droit à Montpellier, j’intègre assez vite l’équipe régionale (on disait alors “ région de Montpellier ”) tout d’abord comme C.R.I., traduisez Correspondant Régional à l’Information et donc, déjà, correspondant à l’Équipée (vous pouvez chercher les articles) puis responsable de la Route Régionale : un camp international en Tchécoslovaquie à l’été 1984, des mini-camps, la rencontre du Bassin Méditerranéen à l’été 1985, un projet archéologique dans le tunnel médiéval du Malpas, près de Béziers… Que du très bon, en somme…

Et puis ? Premier job “ officiel ”, mariage, naissance de Fabienne… D’autres préoccupations n’est-ce pas ? Mais toujours militant aux Éclés : trésorier régional avant que Gérard Lucas ne me propose un jour un “ ticket ” d’enfer : il devient trésorier régional si j’accepte de me faire élire responsable régional de ce qui est devenu la région Languedoc-Roussillon. Un gros coup, énorme, joué avec les copains éclés de Montpellier : la candidature réussie pour accueillir le “ camp avancé ” du projet TREEC93, un rassemblement national pour les aînés et les responsables au printemps 1993, le tout placé dans une dimension européenne. La “ petite ” région éclé joue désormais dans la cour des grandes. En même temps, changement de job : l’alternance politique m’expédie au placard, je prépare le dernier concours d’École Normale.

Cette petite région Languedoc-Roussillon “ qui en veut ” réclame au niveau national plus de moyens, notamment un “ permanent expansion ”. C’est OK, un enseignant mis à disposition est affecté à la rentrée de septembre 1994 à la région. Et si c’était moi ? Le Délégué général décide : ce sera quelqu’un d’autre, je dois rester responsable régional. L’Éducation Nationale tranchera à sa manière, ce sera moi ! Le début de six années dures et formidables à arpenter la région du Moulin du Franquet (Haute-Lozère) à St Pierre dels Forcats (Pyrénées Orientales), de Bagnols sur Cèze à la Montagne Noire… Un leitmotiv : la création de groupes. Des situations jugées faciles qui échoueront, des projets fous qui réussiront. Certains groupes ont disparu, d’autres sont toujours alertes : Mende, Sud Cévennes, Montpellier Beluga, les Buffo de Montpellier… Lever tôt le dimanche pour une sortie en Lozère, semaines administratives pour mettre en place et remplir un projet de formation ambitieux, soirées animées pour convaincre et accompagner les équipes de groupe. Et l’été à diriger le camp régional… Des moments de lassitude, la fatigue des kilomètres, le plaisir de la réussite, heureusement. Des années partagées avec l’équipe régionale, les équipes de groupe mises en place ou soutenues et, surtout, les générations annuelles d’objecteurs de conscience puis d’ “ emplois jeunes ”.

De la Région à la Nation…

Six ans plus tard, la fatigue l’emporte, je dois faire autre chose. Dominique Girard, Délégué général, ne l’imagine pas ainsi : une place se libère à l’équipe nationale, celle de responsable national chargé des branches (et accessoirement des revues !). Tu verras, ce sera facile, tu auras des moyens… La région Languedoc-Roussillon n’a plus besoin de moi, je ne suis pas irremplaçable (la preuve est facile à voir !). Du côté du siège national, c’est autre chose… Deux années, de 2000 à 2002, dont je n’ai aujourd’hui, paradoxalement, qu’un souvenir plutôt flou. S’ensuivront deux années à régime modéré (retour à Béziers en poste “ déconcentré ”) comme chargé de mission sur les revues et éditions. J’en profite pour “ reprendre ” un groupe local moribond en testant les nouveaux concepts Cheynendo et Fête du Jeu. Le groupe redémarre autour du jeu et de l’itinérance, puis à chaque année sa nouveauté et ses pistes de développement : les unités se remettent en place, création d’une ludothèque fortement impliquée dans l’animation des quartiers relevant de la politique de la Ville, création d’une unité Défi avec des jeunes handicapés mentaux, actions en lien avec les établissements scolaires, écoles et lycées, projets internationaux…

En 2004, l’équipe nationale se réorganise avec un nouveau plan d’action, j’en fais à nouveau partie en pleine responsabilité, délégué national du nouveau pôle “ Image, éditions et communication ”. Les éditions, toujours et encore, le suivi territorial, les actions pédagogiques (le rituel annuel de Cap’Éclé, Bécours 2004, Dimbali…), les chantiers transversaux, le travail quotidien avec les cadres bénévoles et les salariés…

Quelle perception peut-on ainsi avoir du Mouvement ?

Trop peu objective à ce jour, vous en conviendrez. Difficile de séparer, de manière crédible, la “ parole nationale ” des sentiments profonds. Je peux affirmer :

Une grande partie de ma vie (personnelle et professionnelle comme il est d’habitude de les séparer) est étroitement liée aux Éclés. J’y ai trouvé, j’y ai apporté… Bilan positif et évident. Mais ai-je réellement connu autre chose de comparable ? En tout cas, ce capital-scoutisme m’a ouvert peu à peu de nouvelles portes, un nouveau cadre, de nouvelles relations… Oui, l’étiquette Scoutisme est un sésame. Rien de ringard !

Le Scoutisme que j’ai transmis (et que j’essaye de transmettre encore) n’est pas forcément celui dont je rêve. Chargé du développement, du soutien à de nouveaux groupes ou à des groupes en difficulté, j’en ai développé, par nécessité, des formules adaptées, simplifiées peut-être même édulcorées… Il n’est donc pas toujours celui que je “ prône ”, que j’explique, que je défends en particulier dans ma prolixe production écrite au service de l’association ! J’en éprouve une certaine frustration. Mais d’autre part, j’assiste, je participe et j’apprécie le retour de l’association aux fondamentaux scouts, à la mise en place des différents éléments de méthode, à la création des outils et supports indispensables et adaptés aux EEDF… Fondamentaux d’aujourd’hui, sinon de demain… S’appuyer sur le passé et notre patrimoine mais pas de nostalgie pour autant !

J’ai côtoyé bien des “ générations ” d’enfants, de jeunes, d’adultes. Ceux qui auront fait un véritable “ bout de chemin ” aux Éclés en sont quasiment toujours sortis vainqueurs dans un domaine ou un autre : intégration dans la collectivité, développement personnel, apprentissages, ambition, cadre d’aventure, épanouissement personnel, organisation et structuration… La liste semble hétéroclite, elle est surtout incomplète !

Le cadre de valeurs des EEDF est fondamentalement en moi, comme pour la totalité des militants. Mais il me semble que ces 5 valeurs, “ comme les 5 doigts de la main ” comme on a coutume de les “ vendre ”, sont désormais réductrices en leur présentation. Nous prétendons à l’humanisme, au sens le plus large, le plus noble…

L’avenir me paraît assuré si notre Mouvement poursuit sa démarche que je qualifie d’honnête vis-à-vis de ses adhérents, des familles, des militants engagés, des partenaires… On ne prétend pas tout résoudre mais “ faire grandir ”, on combine les activités (camps compris) avec un programme plus impalpable mais ô combien fondamental (les valeurs, les relations humaines, le développement spirituel…). La question financière ne doit pas être de celles qui bloquent. Des risques évidemment, rien qui ne puisse entraîner la fin de la “ proposition ”, seulement des réorganisations (quelquefois salutaires). Les différents “ secteurs ” d’activités de l’association (vacances adaptées, formation, école de l’aventure, centres d’accueils) me semblent aussi être un facteur plus que positif dans notre actualité et notre avenir. Ils s’enrichissent entre eux, chacun a ses activités et ses expérimentations, les passerelles sont de plus en plus réelles…

Ce que je ferai demain aux Éclés ? À ce jour, je ne sais pas. Ai-je aujourd’hui besoin d’une période de rupture (vais-je la supporter et combien de temps ?) ; ai-je besoin d’une autre forme d’engagement, après une longue “ carrière professionnelle ” au sein de l’association ? Des propos qu’il faut quand même prendre de manière totalement positive car on ne déloge pas, du corps et de l’esprit, le virus Éclé aussi facilement ! Je ne connais pas de vaccin efficace hormis celui de l’action militante. À tout prendre… »

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